20 mars 2013

Le Roi est-il "vraiment" nu ?

La violence de la position patriarcale basée sur le déni, chez l'Autre, de la position de : Sujet-doué-de-libre-arbitre génère, chez l'Autre, une frustration, une révolte, une colère, une revendication d'être reconnu comme : Sujet-doué-de-libre-arbitre. L'autodétermination et la liberté se confondent avec la position hiérarchique : plus on est haut, plus on a de droits et moins on a de devoirs; plus on est bas, plus on a de devoirs et moins on a de droits. La loi d'équilibre basée sur la correspondance exacte, réciproque et bilatérale entre les droits et les devoirs (bushidô) est rompue au profit de la création et du soutien d'une tension unilatérale entre tyran et esclave. Le tyran est celui qui a tous les droits, et l'esclave est celui qui a tous les devoirs. Une telle rupture de l'équilibre ne peut être soutenue qu'à grand renfort de flics, de caméras de surveillance et de caves dédiées à la torture. Cela demande une énergie inouïe, que la civilisation patriarcale trouve dans le parasitage et l'épuisement systématique des ressources naturelles terrestres depuis bientôt dix millénaires.

Dès lors, deux positions s'offrent à chacun de nous face au système : ou bien je reste cohérent avec la vérité qui s'affirme en moi et je me révolte contre la position injuste du tyran en dénonçant les dysfonctionnements spirituels, cognitifs, émotionnels ou pragmatiques du système (comme Jésus l'a fait) ou bien je choisis de faire l'ablation d'une part non nulle de ma dignité en échange (plus ou moins tacitement) d'une position hiérarchique avantageuse.

C'est ici que ça se corse. Le gain dans la position hiérarchique (le gain dans le droit d'imposer à l'Autre ses devoirs sans tenir compte de ses droits), ce gain ne s'acquiert que si l'on accepte de donner au tyran-déjà-là une part non-nulle de notre propre pouvoir d'autodétermination. Le contrat (plus ou moins explicite) proposé par le tyran se formule comme ceci : "je te donne le pouvoir de sodomiser mes esclaves si tu acceptes de te faire sodomiser par moi". Car le pouvoir patriarcal monochrome est de nature purement quantitatif et linéaire. Il s'agit d'avoir "plus" de pouvoir, "plus" d'argent, "plus" d'esclaves. Et le long d'une jauge quantitative unidimentionnelle, il n'y a de place que pour UN SEUL tyran. Ce n'est donc pas comme si l'on pouvait PARTAGER ce pouvoir (puisque ce pouvoir est justement basé sur l'exclusion de l'Autre en tant que : sujet (doué de libre arbitre) possédant une part non-nulle de ce pouvoir).

Considérons maintenant la forme arborescente utilisée dans la hiérarchie chrétienne pour établir une connection entre l'humain et Dieu. Dans la forme catholique, tout le pouvoir d'autodétermination se concentre en la personne du pape qui, seul face à Dieu décrète, en son âme et conscience, des "bulles" autocratiques, qu'il demande ensuite à ses ouailles de respecter sans discussion puisque-c'est-l'Esprit-Saint-qui-les-lui-a-soufflé. Autocratie, arbitraire, non-vérification, non-discussion sont les symptômes classiques de la tyrannie.

À l'inverse, l'indien de culture chamanique, habitué à l'absorption d'engins psychotropiques multidimentionnels hautement évolués (nommés "drogues" dans notre culture sans imagination ni conscience (ni humour?)) qui le connectent IMMÉDIATEMENT à Dieu, sans fioritures ni obséquiosités, se demande : mais qui est-il celui-là qui prétend que je dois obéir sans discuter à des décrets pondus par son esprit visiblement malade (j'ai dit "visiblement malade", vu la teinte gris-jaune de sa peau - il aurait bien besoin d'un lavement au suc de caoutchouc - comment pourrait-il entendre Dieu avec des intestins à ce point encombrés?). Car moi, Dieu m'a parlé aussi, hier soir; il m'a montré le démon qui se cache dans le ventre de cet homme et m'a dit : ne crois rien de ce qu'il te raconte, surtout quand il te demande de croire en ce qu'il te raconte. Comment pourrais-je lui faire confiance ?

On ne s'étonne pas dès lors que, parmi les décrets de la Très Sainte Eglise Catholique concernant les peuples du nouveau monde, nous trouvions l'interdiction explicite d'user de plantes hallucinogènes, sous prétexte qu'elles sont "de nature diabolique". Monopole de l'ostie ... on nous prend vraiment pour des cons. "Le diable c'est l'Autre, le diable c'est toi, le diable c'est lui". Ambiance et cotillons ... L'indien, beaucoup plus humblement, pourra dira : "le démon est en moi", puis va prendre une purge couleur de sang coagulé et vomir le démon hors de lui à grand renfort de spasmes diaphragmatiques. Il ne va pas dire (et ne va pas se laisser dire) : le démon c'est toi, vu qu'il sait très bien que l'accusation est un des signes de la couardise. Montrer le démon du doigt chez l'Autre est une très bonne façon de pas voir le démon chez soi.

Signalons au passage que les démons dits "tricksters" sont des spécialistes du paradoxe destructif (autrement nommé : double contrainte) et qu'ils expriment leur pouvoir de destruction au méta-niveau de la communication, en faisant croire à un des deux amis : c'est toi le trickster, pas moi ! ou (encore mieux) : ce trickster se miroite entre nous, mais TOI tu es identifié à lui, MOI pas. Le trickster dans ce cas agit sur la rupture du contrat de confiance et de réciprocité entre les deux amis, en fracturant le NOUS au profit d'uns tension TOI/MOI. Rien de nouveau, c'est l'histoire de la poutre et de la paille. Merci Jésus!

Ce mouvement d'accuser l'Autre, de dénoncer chez l'Autre la part obscure que l'on ne voit pas en soi, est l'expression retorse, altérée, clivée, compliquée, du premier mouvement, enfantin, simple et juste, spontané, direct et immédiat, immanent, pourrais-je dire, de montrer l'empereur du doigt en demandant : dis maman, pourquoi il est nu le monsieur ? Puisqu'à chaque fois qu'on a posé simplement, ingénûment la question (que tout le monde se pose et que personne n'ose poser) on a été violemment contraint au silence, on a fini par se dire : ah oui d'accord, je n'avais pas compris, nous vivons dans un monde où LE MENSONGE EST LA VÉRITÉ, mea culpa, mea culpa. Je n'avais pas compris, mais maintenant j'ai compris, et je vais me taire et pratiquer moi aussi le-mensonge-qui-est-la-vérité.

Or Jésus continue de parler comme un enfant. Il sait, il voit, il comprend, il pardonne, mais il ne se taît pas. Et lorsqu'on lui dit : si tu continues de parler, je te tue, il répond : moi je parle. Si toi tu as envie de me tuer, cela t'appartient. Moi, il m'appartient de parler.

On imagine bien dès lors que toute la colère frustrée par le peuple contraint au devoir de discrétion par le tyran puisse se diriger sur une telle cible, si pure, si innocente. En immolant Jésus, on immole l'enfant blessé en nous qui refuse de se taire, on signe dûment un contrat d'obéissance au tyran : j'accepte de taire en moi le geste qui te désigne comme un menteur, j'accepte de tuer en moi l'enfant sacrifié et innocent, si en contrepartie tu me donnes le droit d'immoler celui-là qui n'accepte pas de se taire et qui est plus innocent que moi.

Là où Jésus piège tout le monde (en bon jésuite qu'il est), c'est qu'il PARDONNE. Ou mieux : il demande à Dieu de pardonner ces humains qui font du mal à son fils PARCE QU'ILS NE SAVENT PAS CE QU'ILS FONT. On ne peut pas leur en vouloir. Ils n'ont pas la conscience suffisante pour comprendre qu'ils créent et soutiennent eux-même leur position d'esclave.

Or il sait, car il n'est pas bête, que la transmission de la vendetta intergénérationnelle se produit toujours comme ceci : le papa bourreau (pater familias) fait de son enfant une victime (un objet, un esclave, sur lequel il a droit de vie et de mort), et interdit à son enfant de questionner ce pouvoir qu'il se donne lui-même arbitrairement. Mais tacitement, il lui dit aussi : tu es mon fils, et si tu m'obéis, je te lèguerais les clefs de mon pouvoir, grâce auquel tu pourra être bourreau à ton tour. L'enfant-victime devient adulte-bourreau, y compris (et d'abord) vis-à-vis de son propre enfant-victime intérieur. Et sur base de la loi du non-dit, la distorsion selon laquelle LE MENSONGE EST LA VÉRITÉ est transmis de génération en génération.

Le fils ne pardonne pas au père, et il ne se pardonne pas à lui-même. Puisqu'à aucun moment de cette histoire le père ne reconnais sa faute (son mensonge), le pardon ne peut lui être donné. Jésus dit trois choses (au moins) à ce sujet :

(1) Le Père est Unique, et nous en portons chacun un reflet dans le coeur (démocratisation de l'accès à Dieu). César n'est jamais "plus" qu'un reflet, qu'une métaphore de Dieu. Rendons à César ce qui est à César. Tout tyran qui se prétend "plus" Dieu que toi ou moi n'est qu'une baudruche. Bienheureux les enfants et les simples en esprit.

(2) Le pardon est accessible MAINTENANT quelle que soit la profondeur et l'étendue de la faute ... Les deux conditions d'accès nécessaires et suffisantes sont : (2a) reconnaître sa faute (2b) demander pardon. Le tyran demande "plus" que ça, il demande une réforme de l'intention, et dès lors, usurpe le droit divin et unique de décréter les conditions du pardon. Quelle que soit la faute de l'enfant, la faute parentale qui consiste à lui demander, en "plus" de 2a et 2b, une réforme de sa trajectoire naturelle, est un crime contre l'amour et contre la vérité. L'enfant, dont le sens de la justice n'est pas aussi altéré que celui de ses parents SAIT que faire poser la question de la confiance sur la notion de "preuve" qu'il s'agirait de "donner" ou de "redonner" est un crime contre l'inéluctabilité et l'inconditionnalité du pardon décrétés par Dieu en réponse au sacrifice de son fils sur la croix. En commettant une faute visible dans la matière ou l'action, l'enfant sacrifié paie la faute invisible que ses parents commettent dans le coeur et l'esprit. Cette injustice, ce mensonge invisibles et permanents finissent par briser le coeur et l'esprit de l'enfant, qui pert la confiance dans le pardon, et choisit le mensonge comme mode d'accès à l'Autre et à lui-même, dans une version altérée, inversée de sa nature fondamentale.

(3) La paille et la poutre : l'accusation est le signe d'un déni, qui brise le pacte du NOUS au profit d'une tension TOI/MOI. Optons consciemment pour l'un ou pour l'autre, mais si on refuse d'ignorer le fait qu'on a le choix (si on continue de croire benoîtement qu'on est des esclaves), alors la faute ne sera pas pardonnée, et un autre agneau devra être sacrifié. Brisons maintenant le pacte du mensonge, et déclarons dûment l'existence de La Vérité. Montrons simplement, comme un enfant, le roi du doigt et osons poser les questions qui répondent à notre soif naturelle de justesse et de vérité.

Tels sont les termes du New Deal que Jésus propose aux humains. Puisse sa parole être entendue par toi dès maintenant, mon ami ;-)

 

27 février 2011

Cosmic Joke

L'air frétille de bonne humeur. Je sens le rire grimper dans mes entrailles, se forcer un passage naturel vers mon gosier ... Les dieux sont là, autour d'une table, affairés. Ils sont en train de jouer à un jeu. Sur la table, une sorte d'échiquier lumineux. Mais les pions sont vivaces. Il s'agit de nous, humains, interconnectés dans un réseau complexe, situé hors temps, dans un temps plus vaste, qui contient en un seul lieu l'ensemble de tous les possibles, passé, présent et futur confondus, et aussi, toutes les bifurcations sous forme de combinatoire fractale. A ce niveau-là de conscience, le Réel n'est plus que mathématique. Il s'agit d'insuffler des algorithmes dans la matrice hyperspatiale qui frétille à la surface de l'échiquier. Chaque algorithme produit des vagues complexes d'interférence dans l'ensemble de la Matrice. Chaque acte produit par la pointe du doigt joueur d'un dieu impacte l'ensemble des phénomènes d'une vie, ou de plusieurs vies, parfois même, le destin confondu d'une civilisation entière.

L'humain est un être obtus. Quand il a une idée - cela arrive de temps en temps - il la porte souvent jusqu'à sa conséquence ultîme. Les dieux ont décidé d'éduquer un peu cette populace fervente, à la dure s'il le faut. Tornades et tremblements de terre sont de la partie, et aussi parfois, un simple cognement de genou sur une table basse. Ils y vont de la bonne blague. Ils se congratulent mutuellement à chaque trouvaille ingénieuse, système de double, triple ou quadruple contrainte, où l'on se prend successivement une claque, un coup de massue sur le front et un atémi dans les testicules. Le défi est simple : nous forcer à regarder autour, en-dessous ou au-dessus du regard normal de notre conscience. De leur point de vue, c'est très drôle. Notre sens du tragique est un peu trop développé à leur goût. Même le Diable, avec son collant rouge et ses cornes pointues, n'est qu'un personnage de la commedia del arte - particulièrement talentueux il faut le dire ...

Comediante / tragediante ...

 

13 décembre 2010

Bodhisattva

Je viens d'être informé, par voie intuitive, d'une façon engageante de gérer la question de la souffrance. Cela n'est pas étranger à la façon dont le bodhisattva considère cette question. La compassion du bodhisattva provient d'une sorte d'ignorance : ignorance concernant l'existence d'une frontière qui le séparerait de tous les êtres. Cette perte de faculté discriminatrice l'oblige à traiter la souffrance, non comme un phénomène personnel, mais comme une affaire publique. Ainsi que le bonheur (ceci dit). En substance, la souffrance qu'il sent en lui appartient à tous les êtres. Son corps-âme est le lieu d'une expérience généralisée de la souffrance. Son coeur est comme une membrane sensible qui capterait les moindres fluctuations du champ commun constitué par tous les coeurs de l'univers. Il serait plus judicieux de nommer ici le Coeur commun de l'Univers, écrit au singulier, dont le sien ne serait qu'un fragment local et co-extensif.

Cette participation commune est le fait de tous les êtres possédant un coeur (l'organe psychique). Chacun de nous, bodhisattva ou pas, possède un coeur sensible branché sur le Coeur commun, et percevant à tout instant son état. Et par "état", j'entends la somme de toutes les souffrances et de tous les bonheurs possibles à tout instant. Nous pouvons imaginer la difficulté qui consiste à garder consciemment ce contact ouvert. D'où la solution, choisie par la majorité des êtres, de créer un filtre mental qui dira "non" à cette sensibilité. La différence entre chacun de nous et le bodhisattva, c'est que celui-ci choisit de "ne pas" dire non.

Et voici donc le procédé auquel je pense. Au fur et à mesure que la souffrance auto-générée par mon propre mental se dissout au profit d'une simple sensibilité à ce qui est, mon coeur devient le lieu d'une expérience de co-extensivité de la souffrance. Toute souffrance émotionnelle me touchant et me traversant peut être considérée dès lors comme une souffrance commune. A l'endroit où je souffre, dix millions d'êtres souffrent simultanément. Ma souffrance - à condition donc qu'elle ne soit pas de nature narcissique - est comme une antenne, un point de contact me permettant de partager mon être avec tous les êtres. Mon doute est le doute commun, ma tristesse, la tristesse commune.

Si je choisis de m'ouvrir à telle possibilité, à l'embrasser dans le creux de mon espace intérieur avec joie et gratitude, je vois que ma joie, ma gratitude, sont autant de senteurs positives et lumineuses dont la qualité pénètrent et transmutent la qualité vibratoire de ma souffrance. L'acceptation de la souffrance, ce n'est déjà plus tout à fait de la souffrance. Et conséquemment, dix millions d'êtres peuvent jouir, simultanément de cette transmutation. Ma souffrance est le lieu intérieur où je puis transmettre ma lumière à tous les êtres partageant avec moi ce moment particulier de l'histoire. Mon coeur est non seulement le lieu où je reçois la question, mais aussi le lieu où je transmet la réponse. Cela va dans les deux sens. Merci (donc).

 

31 juillet 2010

Être accompli

Être accompli, c'est être incapable de répondre à la question : es-tu accompli ? (C'est un paradoxe).

17 juillet 2010

Réverbération

L'état initial d'une âme incarnée est similaire à celle d'un soleil, une sphère de pure lumière, émanant sa présence dans toutes les directions de l'espace sans restriction. L'observation d'un enfant de six mois nous donne une assez bonne approximation de ce que cela signifie. Tous les états d'âme qui le traversent sont amplifiés tels quels, sans retournement, et émanés tels quels en direction de l'espace ambiant. L'espace relationnel dans lequel l'enfant s'inscrit lui renvoie ensuite une partie de cette émanation. Une boucle émanation/réponse se construit progressivement dans la mémoire énergétique de l'enfant. Peu à peu, en fonction de la qualité de la réponse, l'enfant développe sa personnalité. Il est peu à peu susceptible de prévoir à priori le type de réponse que son environnement produira en fonction du type d'émanation qu'il fournit. Si la réponse à un type donné d'émanation est invariante, toujours similaire à elle-même, l'enfant cristallisera une personnalité rigide. Il saura la réponse probable de son milieu et choisira de produire telle ou telle émanation en fonction de cette réponse. En gros, il choisira de produire préférentiellement les forces qui lui donneront une réponse positive - une ouverture - et évitera peu à peu de produire les forces qui lui donneront une réponse négative - une fermeture. La rigidité qu'il développe est fonction de la rigidité du milieu. Si le milieu répond systématiquement de la même façon à l'expression d'une de ses forces, cela signifie que le milieu lui-même est rigide. Un milieu fluide, spontané, peu cristallisé, produit des réponses variables à l'expression des mêmes forces.

Dans son champ de lumière spontané, les zones d'émanation qui produisent toujours des réponses négatives vont peu à peu se charger d'obscurité, d'opacité, de rigidité. Ce sont comme des failles obscures dans l'étoile qu'est l'enfant. Situées à certaine distance du centre de son émanation, ces failles cristalliseront sa personnalité, face obscure, rigide, de son champ d'émanation. La lumière centrale continuant d'émaner vers ces zones obscures, plutôt que de sortir vers le dehors, seront réverbérées vers le dedans, la faille présente à une certaine distance du centre jouant le rôle d'un miroir. Ces failles obscures renvoient à l'enfant l'image de son émanation dans les zones où son émanation est inhibée. L'inhibition de l'émanation spontanée et la conscience réverbérée de soi, également appelée ego, sont exactement corrélées. En d'autres termes, je ne suis conscient de moi que par les parties de mon émanation que je choisis de ne pas exprimer. Et aussi, si je choisis d'inverser le processus et d'exprimer les parties inhibées de moi, mon moi disparaît, et je redeviens pure lumière.

 

10 juin 2010

Permanence

Critère : le sujet est permanent, l'objet est impermanent. C'est une extension de cet autre principe selon lequel tout ce qui est né finit par mourir et seul ce qui n'est pas né est immortel. Si (1) seul Dieu est non-né et si (2) seul Dieu possède en propre la position du sujet alors (3) seul le sujet est permanent.

L'ego pose problème. En effet, l'ego est la part du sujet qui s'identifie à l'objet (par confusion, distraction, ... ). La conséquence est double : (a) l'ego applique sur l'objet impermanent auquel il s'identifie un principe de permanence qui ne lui correspond pas, ce qui produit tôt ou tard de la déception (lorsque l'objet se révèle comme n'étant PAS permanent); (b) ma position de sujet, en tant qu'elle se mélange à l'objet, reçoit en contrecoup la qualité d'impermanence de l'objet, ce qui produit de l'angoisse, de la crispation (vu que l'idée de ma propre impermanence agace mon ego).

Tout objet est caractérisé (forme). Le sujet est absolument non-caractérisé (vide). Dénoncer les idoles, c'est dénoncer toute croyance selon laquelle une caractéristique (une forme), quelle qu'elle soit (y compris une qualité ou un défaut que je m'attribue), m'apparaît comme : douée de permanence. La friction entre la zone d'impermanence (propre aux circonstances) et la zone de permanence (propre à mon identité) est lieu de souffrance. Accepter que ce qui est non-moi est impermanent me permet (1) de lâcher-prise sur l'objet et (2) de me positionner comme sujet. Lorsque je me perçois comme absolument non-caractérisé (lorsque je cesse de me percevoir en tant que forme), alors cela signifie que mon ego s'est dissout en Dieu.

 

17 mai 2010

Thanksgiving

La forme noire, tapie au centre du plus profond des enfers, attendait en silence. Je la sentais. Je la supposais. Je ne pouvais la voir. Il me fallait la voir. J'invoquai l'aide de Quetzacoatl : qu'il me donne la capacité d'accepter. Il me prit au mot. J'accédai à la Matrice peu après, mais pour la première fois, la porte d'entrée se trouvait tout en-dessous.

Calme, silencieuse, immense, tremblante de puissance contenue. Ses huit pattes bifurquent indéfiniment, pour toucher de leur extrémité le centre-racine de tous les êtres qu'elle tient sous sa domination. Domination de la puissance minérale statique, lourde, infiniment close. Le fait de posséder un corps - ce qui ne pose en soi aucun problème - devient alors, sous la férule de la Mygale, une croix à porter, un fardeau d'une lourdeur implacable.

Constituée de métal granitique dont la densité surpasse tout minéral commun, l'agrippement de la Bête sur la racine de notre système osseux est presque indestructible. Pour chasser de ma tête le Nazi aux lunettes noires, j'avais invoqué Allah-sans-forme; pour défaire la Nonne-Sorcière de mon coeur, la douceur de Jésus; le Cerbère fut chassé de mon ventre par le pouvoir de la parole mantrique. Pour démettre la Mygale, rien de moins que le feu nucléaire de Shiva m'était nécessaire, car la dissociation des points d'agrippements de la Bête doit s'opérer au niveau subatomique. A moins de cela, le pouvoir d'auto-régénération spontané de la Mygale lui permet de se recristalliser sans difficulté, à partir de tout germe résiduel, aussi petit soit-il.

Shiva, sous la forme noire et sauvage d'un danseur nu, apparaît dès son invocation. Je suis pris de l'envie de danser en son nom, de bouger mon corps aux rythmes de sa danse, pour montrer à l'Araignée que je n'ai pas peur d'elle. J'y prends un plaisir profond, lent et sensuel. Chaque pose, d'une élégance pointue, me rappelle l'image de certain danseur balinais ou nippon, pour qui chaque geste est une forme, un symbole, une lettre et un mot. Puis le doute m'advient. Trop beau, trop formel, trop arrogant peut-être. Et dès ce doute exprimé, le voile tombe, et je comprends : ce n'est pas Shiva, c'est Lucifer, orné d'un mensonge. Le maître des enfers, le maître de la Mygale, tente de me duper. Et alors je vois Shiva, le vrai, trônant, pur de claire lumière, au sommet de mon empyrée intérieur.

Alors le feu commençe. Doucement, puis vertigineusement. Il ne s'agît pas d'un feu au sens commun du terme. Le feu vient de la Matrice même, c'est l'expression naturelle de la Matrice, sa qualité de structure vivante. La Mygale tue parce que sous son influence, les échanges entre les atomes du cristal de la Réalité diminuent d'intensité à chaque miroitement. L'information et l'énergie du système diminuent continûment au fil du temps (entropie). La partie de la Matrice qui n'est pas sous la domination immédiate de la Mygale fonctionne à l'inverse : chaque échange d'information/énergie entre n'importe quels points du système additionne ce qui est donné à ce qui est reçu. A dit à B : tu es accompli en tant que B. B répond : l'affirmation que tu viens de produire à mon sujet est accomplie. A répond alors à B : ce que tu viens de me dire au sujet de ce que je t'ai dit est accompli. Et ainsi de suite. Le résultat est une augmentation continue, exponentielle, du niveau d'information/énergie dans le système. La Mygale est seule à pouvoir freiner ce processus. Hors de son champ d'influence, le système est emporté dans le cycle vertigineux d'une auto-confirmation, d'une auto-résonance exponentielles continue. Le niveau d'information/énergie devient vite tellement élevé que, s'il ne s'agissait pas en même temps de confirmation, l'ensemble exploserait. Mais puisque en même temps, chaque échange confirme aux yeux de tous la valeur de réalité de tous, le système reste stable.

J'ai l'impression d'être au centre d'une étoile, subissant en même temps une compression infinie et une explosion infinie. Du point de vue de mon ego (la part de moi identifiée à la Mygale), cette expérience est insupportable. Je me dis sans cesse : c'est sublime, et en même temps : je vais mourir. Je me retrouve alors au seuil de l'abîme. Devant moi, un océan de lumière infini. En moi, un petite voix : "je ne veux pas mourir!". Je me vois disant cela, j'atteste de l'existence en moi de cette petite particule d'ego dont la seule caractéristique est qu'elle "ne veux pas mourir". Et l'instant d'après, pfuut, me voici devenu pure lumière, confondu avec l'océan illimité du réel. Lâcher prise : je ne suis plus rien, et ce rien est une clarté délicieuse sans noyau central, sans aucun point de vue, ce que j'ai toujours été, ce que je resterai toujours, le Dieu en moi, calme et silencieux.

J'y suis. J'y reste. Infiniment, indéfiniment. Au fil du temps, le voile des circonstances s'épaissit, la confusion se mélange à l'inconfusion, le bruit au silence, l'obscur à la lumière incréée. En-deçà de tout ce qui m'advient, je me souviens ...

 

07 mai 2010

Lila

Samaël, ange de la restriction et de la Loi, ancien chef des hordes démoniaques, me présenta cette alternative : acceptes-tu - ou non - de participer au domaine de mon mignon, Baal-Zabouth, sergent-chef de l'armée des monstres immondes ? Ce dernier avait posé en mon corps-âme quatre représentants : dans le bassin : une araignée poilue, maître de la possessivité et de l'étouffement; dans le ventre : Kereberos, le chien des enfers, maître de la haine et de l'envie; dans le coeur : une vieille nonne catholique, jaunâtre et sexuellement frustrée (je suppose); dans la tête : un flic sadique portant des lunettes de soleil. Ma réponse fut non : je ne veux plus participer à ce domaine d'existence. Je pensais que cette simple affirmation suffirait. Je ne savais pas que c'était seulement le tout premier pas. Je devais ensuite les rencontrer face à face, un à un, afin de leur signifier mon désaccord.

Le premier que je rencontrai fut Kereberos. Au centre d'une matrice noire et rouge foncé constituée de tubulures métalliques, je lui dis : montre-moi ton visage. Je le vis. Bestiole superbe et ignoble, aggressive, destructrice, haineuse. Je fis la liste de ses "qualités". Je crus cette liste exhaustive. Mais la bestiole continuait de me tordre les boyaux. Je perçus la clé, un mensonge qu'elle insufflait dans mon esprit : tu n'as pas le pouvoir de me chasser de toi. La vérité c'est que : j'ai le pouvoir de la chasser de moi. Je lui répétai vingt fois cette vérité : j'ai le pouvoir de te chasser de moi ... Aux environs de la vingtième répétition, l'engin maléfique fut vomi de mon corps. Ce soir-là, je recouvrai le pouvoir de la Parole ...

En second, je rencontrai le flic. Je sais maintenant pourquoi il porte des lunettes de soleil. Je lui-dis : montre-moi ton visage. Et je vus ses yeux de braise rouge, vibrant de haine profonde contre le genre humain, organisateur d'un réseau de contrôle paranoïaque sur nos existences fortuites, usant de la torture et de tout un mécanisme d'influences tordues pour maintenir notre esprit en esclavage. Les lunettes de soleil sont nécessaire, car sans elles, il ne pourrait cacher la lumière qui trahit son regard. J'invoquai en moi la Présence de Celui qui Est. Tout seul je n'aurais pu ... Grâce à Dieu, le flic fut chassé de ma tête.

Ensuite vint la nonne. Je lui dis : montre-moi ton visage. Derrière les atours d'une catéchumène obséquieuse se cachait la vilaine sorcière qui mange les coeurs, et y verse l'aigre poison de ressentiment, de la revendication et de l'ingratitude. Je dansai sensuellement, en y prenant plaisir, sachant que ça l'agacerait profondément. Je la voyais furieuse. C'était très drôle. Ensuite j'invoquai dans mon coeur Jésus le Christ. Paradoxe de Jésus chassant la nonne hors du temple ...

Finalement vint l'Aragne, la Tarentule au regard éteint, la Mère-ogresse qui étouffe le corps de son enfant et l'empêche de s'ouvrir à la vie. La Terre-Mère, Pachamama, fut ma conseillère dans ce dernier combat.

Quatre forces de lumière répondant à quatre formes obscures. A chaque fois je recouvrai mon pouvoir en demandant au démon de me montrer son visage. Car leur pouvoir sur nos âmes vient de ce que nous ne les connaissons pas. Si nous les connaissons, si nous les reconnaissons, leur pouvoir cesse tout de go. Le décollement, toutefois, n'advient qu'à condition d'invoquer en soi une force impersonnelle inverse à la forme du démon. Car chacun se prend très au sérieux, faisant de tout ce qui leur advient une affaire très personnelle. Cette personnalisation solidifie la matrice obscure en laquelle l'humanité se meut. Seule l'invocation d'une force impersonnelle peut dissocier la puissance de cette cristallisation, et permettre à l'âme de créer une brèche dans la matrice obscure, afin d'accéder à la lumière.

Dans cette lumière, je rencontrai Mon Seigneur, comme je l'avais demandé, sous les atours de Krishna. Je fus étonné de voir cette forme particulière, mais pourquoi pas me dis-je, il est vrai que cette forme est charmante. Je restai à ses côtés un moment. Il ne disais rien. J'attendais. Je finis par m'ennuyer. Je dis : voyons, euh, Maître, ne me montreriez-vous pas quelque apparence merveilleuse de Vous, que je puisse m'extasier un peu, et bénir Votre Nom ? Il répondit en souriant d'un air coquin : bin non, tu as seulement demandé de me rencontrer.

La déception m'advint, un élastique claqua dans ma tête, et je me détendis. Alors l'envie me pris de danser pour Lui. Et je jouis de le voir jouir de me voir danser pour Lui. Puis il dansa en moi. J'étais Lui, Krishna, jouissant de danser pour Lui Seul et pour tous. Ensuite Shiva, puis Ganesha se joignirent à la danse, puis tous les dieux de tous les panthéons du monde dansèrent en cercle autour d'un centre au-dessus duquel flottait la présence d'une lumière que je ne pouvais pas voir, mais dont je voyais les rayons se refléter dans les formes dansantes sous Lui. Elle trônait exactement au-dessus de mon champ de vision. Nul ne peut La voir, car c'est Elle qui voit.

Plus tard dans la nuit profonde, dans le silence d'une cour froide et solitaire, à l'occasion d'un moment de distraction passager, j'oubliai la séparation, et je devins cette Lumière, lentement, tendrement, sans y prendre garde.

29 mars 2010

Shiva

Au centre de la Galaxie, un trou noir hypermassif rassemble dans son espace-temps inversé la somme de tous les savoirs. Toi qui me lis, le clignement de ta paupière, le bruit délicat de ton souffle faisant vibrer les poils de ton nez, tous les évènements qui te constituent à quelque moment que ce soit de ton histoire passée présente et future, y sont répertoriés avec une précision parfaite. A chaque moment, par vagues successives durant des millions d'années, le Centre Galactique produit une émanation de son contenu dans toutes les directions de l'espace. C'est la pulsation du tambour de Shiva, qui scande la naissance et la mort des étoiles.

Cette vague de savoir intégral parcours en descendant l'arborescence des étoiles, chaque maître transférant à ses disciples le flot de feu vivant. A l'extrémité de cette arborescence : ton coeur, mon coeur. A chaque inspiration, mon coeur capte la totalité du savoir galactique sous la forme d'une lumière blanche, somme de toutes les couleurs. Ensuite, cette lumière est projetée dans ma tête, et mes filtres cognitifs vont en extraire tous les savoirs particuliers dont j'ai besoin, ou que j'ai la capacité de comprendre à chaque moment particulier de mon histoire. Petit à petit, la complexité de mes filtres cognitifs allant grandissant, je pourrai capter une part toujours croissante de ce savoir. Lorsque je pourrai l'intégrer totalement, mon esprit aura la force de se fondre au Centre Galactique et ne faire qu'un avec l'esprit de Shiva.

 

23 mars 2010

Mensonge

D'abord le souvenir, sous la forme d'un nuage noir, gris cendré, opaque et lourd, veiné de formes fugaces qui ne présagent rien de bon. Je comprends la cause : trente années de cannabis ont invoqué sur moi la cendre et la tristesse. Je flaire la source... Je me vois sous la forme d'une entité simple, unicellulaire, demandant asile et bienveillance auprès de la paroi de chair où pulse la chaleur et l'amour. Là, ça dit oui, comme une tigresse dit oui quand elle offre ses mamelles, sans arrière-pensée. Mais là-haut ça dit non. Enfin pas tout de suite. Il faudra que là-haut ça sache. Et quand ça saura, ça dira non. Première rupture.

Ensuite, bien plus tard, quand tout ça saura parler, échanger des propos, se toucher, se flairer le cul, celle qui a dit oui dans le ventre et non dans la tête aura horreur du non qu'elle aura dit - vu que ça fait pas très clâsse dans un curriculum - alors ça mentira, ça dira : tu sais, je t'ai beaucoup aimé. Ou : tu sais, je t'ai beaucoup désiré. Que du mensonge. Mais pas n'importe où le mensonge. A la racine de la racine du sentiment que j'ai d'être moi. Là ça ment. Et ça a menti. 48 ans. Jamais au fait de moi-même. Toujours ce léger décalage, une sorte de déhanchement subtil et élégant qui n'était que le signe de mon incapacité à dire vrai. Ah mais joli le déhanchement. Fascinant, séduisant, pervers.

Alors quand ça a fait toc ! juste après ça a fait bardaf !, et ensuite, un petit peu après, quand ça s'est détendu, ça a fait ouin ! Beaucoup ouin ! Comprenez, pour une fois que ça disait vrai, fallait bien que ça sorte ...

Alors oui je lui pardonne, un peu, sans doute, pourquoi pas. Elle ne savait pas, ou peu. Moi non plus. Et je vois où le mensonge m'a mené : ce voile noir et lourd, entre moi et les autres, un labyrinthe de sens dont je gardais la clé précautionneusement. Et ça étouffait. Et ça craquait de pus vivace. Bon, ça bouge un peu mieux maintenant. Je me sens plus lourd, plus lent, plus calme. Moins de choses à prouver. Et dans le fond de mon corps assagi, j'entends les rumeurs d'un nouveau songe s'éveiller tout doucement ...

 

03 novembre 2009

Sociocratie

L'Icône, située dans le coeur, est une image s'étendant infiniment à l'horizontale (Ecarquillement), et dont l'épaisseur verticale est nulle (Ecrasement). Ces deux mouvement s'associent pour former l'Oblation. L'Oblation est le sentiment qui nous prend lorsque la Beauté nous apparaît : nos yeux s'écarquillent et notre action s'arrête. C'est si vaste et si parfaitement accompli : l'idée que nous puissions y changer quoi que ce soit disparaît instantanément. L'Ecrasement - donc - annihile toute vanité. C'est le passeport d'entrée dans l'espace de la juxtaposition. Car à l'horizontale, il y a toute la place que l'on veut. C'est pas la chaise musicale ou le taquet. Aucune restriction : tous les glissements, toutes les associations et dissociations sont possibles.

Si chacun est porteur d'une signature vibratoire propre, comme une couleur, l'inscription dans l'espace de l'Icône ressemble à l'ouvrage d'un peintre pointilliste : chaque point est inconfondu, mais sa valeur est exactement équivalente à celle de tous les autres points. Pour accéder à l'espace du Coeur, qui est l'espace de la sociocratie, il s'agit d'abandonner toute prérogative, toute hiérarchie. Dans une structure féodale, la signature vibratoire de chacun a tendance à s'imposer à celle de tous les autres. Conséquemment, c'est la couleur du plus fort qui vainc, et qui impose à ses féaux le port de l'uniforme. Dans l'espace sociocratique de l'Icône, point de combat pour la domination : chacun dès l'abord est nanti d'un pouvoir équivalent à celui de tous les autres. Et si j'accepte cette restriction (Ecrasement), alors l'espace du jeu de la juxtaposition s'ouvre (Ecarquillement), et tous les liens deviennent possibles. L'Harmonie, la Beauté, deviennent nos garants, qui nous ramènent aux puissances immanentes de l'Amour, dont la loi n'est que l'écorce sèche. Nous tissons aux autres, à partir de l'espace du Coeur, une vaste mosaïque, une mythologie ouverte, où chaque humain, chaque animal, arbre, fleur, nuage, champignon ou rocher trouve sa place spontanément. Bienvenu(e) !

28 septembre 2009

Quetzacoatl

A un certain moment de mon histoire enfantine, j'ai dit non à mon coeur. Car j'y voyais la laideur du monde réverbérée indéfiniment. Parce que j'y voyais l'insensibilité et la lâcheté des adultes. J'ai fermé la porte du coeur, par dégoût, par dépit, par défi. J'ai mis à côté de sa porte un cerbère aux dents d'acier, doué d'un cerveau minuscule, un petit robot très fonctionnel qui m'avertissait avec une sonnerie rouge-orange chaque fois qu'une faille, un entrebaîllement risquait de laisser monter des profondeurs la nostalgie crue de mes origines immaculées.

J'ai vomi le cerbère aux yeux rouges. Je l'ai vu s'agiter sous moi, traversé d'un gargouillis infâme. Puis, l'espace s'est ouvert.

Je plongeai dans le Mandala immense, les yeux écarquillés. Impossible de décrire la scène. Et je dis "impossible" non par pose narrative, mais parce que la géométrie de la scène, la sémantique de l'expérience, en ce point, cessait d'être compatible avec la géométrie du discours. Parce que tout était inclus dans l'image. Le sens, et la jouissance, et l'implication, et l'identification, et le vertige, le sentiment d'être à la fois débordé et contenu, ouvert et intense, infiniment complexe, multicoloré, et pourtant simple, absolument simple, profondément et totalement simple. Je me suis dit : c'est Quetzacoatl, il danse devant mes yeux, il danse pour moi seul, pour lui-même et pour tous. Focalisant mon attention sur n'importe quel point de l'image, ce point se révélait le contenant d'un Mandala plus petit, et ceci indéfiniment, dans l'extension comme dans la profondeur. Un spectacle infiniment ouvert et absolument dense toutefois.

Chaque point de l'image oscillait d'une couleur à l'autre au gré de son propre firmament intérieur. Toutes les images de l'univers dansaient en une seule image. C'était absolument, infiniment beau, c'était la Beauté-en-soi, la somme de toutes les beautés possibles rassemblées en une seule image synoptique. Et cette beauté n'était pas non plus une chose abstraite, que je pouvais considérer du bout d'une lorgnette. C'était, aussi, infiniment tendre, et touchant, et proche, et sensible, comme si cela jouait sur la surface d'une peau interne, qui serait située au point le plus intîme, le plus sensible de mon être. J'étais touché au Coeur par cette image, et dans cette image se révélait le visage de celui que j'ai été, que je suis et que je serai de tout temps. C'était accompagné d'un sentiment de beauté et d'harmonie, de tendresse et d'accomplissement absolus. Et ce sentiment était comme une forme inhabituelle - ou bien / absolument habituelle - de compréhension immédiate. Plus besoin de concepts ou de systèmes. La signification du spectacle oscillait à la surface du spectacle même, contenu dans le spectacle même, inclus en lui. Car chaque forme était également une rune, un idéogramme, un symbole originel dont la lecture n'exigeait aucun lexique, aucun apprentissage. Le sens Réel du spectacle se révélait au sein du spectacle lui-même, dans la pure immédiateté de son évidence. L'enfant, l'animal, le fou pouvait lire l'abaque secrète, la comprendre sans coup férir, et pourtant, ni l'un ni l'autre, ni moi ne pourrions dire le sens qui se joue là. Et aussi, d'apprendre à parler de là, de dire dans le silence du sens qui se donne là, alors on parle aux fous, aux bêtes et aux enfants d'une même langue commune, une langue d'avant la langue.

Et aussi, attention, c'est là que ça devient vraiment juteux ... L'amour du Mandala pour tout spectacle, pour toute apparition lui fait capter ma propre image le regardant. Et donc dans l'image je me vois regardant l'image. Et cette relation est à son tour captée, et je regarde l'image dans laquelle je me vois regardant l'image dans laquelle je me vois regardant l'image, et ainsi de suite, indéfiniment. Et dans la jouissance de voir cette beauté révélée, je jouis de jouir de voir la Beauté révélée, et je jouis de jouir de jouir de voir la Beauté révélée, indéfiniment, en un abyme de délice autoréverbéré ouvert en direction de l'infini du dedans. "Moi" en tant que sujet, et sujet du sujet, et sujet du sujet du sujet est à chaque fois recapté par le magnétisme amoureux du Mandala. Son étreinte est parfaite, je ne puis m'échapper de l'image, car son épaisseur est nulle. Et "moi" continue de vouloir lui échapper afin de recréer la position du témoin. Et "moi" continue d'être recapté, puis de réémerger sans cesse, dans un cycle vertigineux qui crée une amplification rétroactive de la jouissance et de toutes les qualités associés à cette jouissance. Et donc à chaque instant de l'expérience, je ressens plus de jouissance, plus de signification, plus d'harmonie, plus de beauté, plus de paix, plus de joie, plus de tendresse, en chacun des points de l'image, car en chacun des points de l'image je me retrouve à la fois comme sujet et objet de l'expérience, l'un nié par l'autre, l'un absorbé par l'autre, l'un amplifié par l'autre, comme dans un coït sans début ni milieu ni fin.

Et j'ai vu aussi Samaël, sous les atours d'une très belle femme aux yeux noirs séduire Michaël et le rendre fou d'amour et de désir. Et lorsque Michaël lui enfonçe son pieu dans le ventre, la contorsion du Dragon ne signifie pas son agonie, mais bien son ineffable jouissance.

Et là j'ai compris ce don absolu et parfait qui nous était fait à tous, humains, et qui constitue notre singularité par rapport à tous les autres règnes. Car l'animal a le Mandala aussi au centre du Coeur, mais il n'a pas le témoin dans la Tête. Il est tout pris par l'image, et ne peut s'observer observant l'image. Il vit donc en état d'absorption amoureuse permanent, absolument identifié à un aspect particulier du rêve divin qui est son propre archétype incarné. Mais l'humain a en plus cette capacité, grâce au mental, le pouvoir de s'arracher à l'étreinte amoureuse du Mandala. Tant et si bien que cela nous conduit à certains excès, dont l'agonie de la Terre est le symptôme le plus évident. Mais si nous arrivons à trouver la bonne distance entre la Tête et le Coeur, l'abyme du Sujet infiniment réverbéré dans la contemplation de sa propre image amplifie à l'infini la jouissance d'être en chaque point du Mandala. Mahasukkha.

10 mars 2009

Orgueil

L'humanité est le lieu d'apparition du Mental dans le règne vivant sur Terre. Cela pourrait nous remplir d'intense jubilation si le résultat n'était pas aussi catastrophique. La chronique des ratages produits par l'être humain se résume à la succession des gestes par lesquels le Mental tente de se dégager de l'univers matériel/émotionnel qui l'enracine dans le Réel, et avec lequel il développe une relation ... disons ... ambivalente. L'énergie Mentale est expansive dans les trois directions de l'espace. Dans son expansion elle rencontre trois sortes d'obstacles, et à chacun de ces obstacles, elle lutte pour retrouver sa pérennité. On peut dire que le mental est orgueilleux dans toutes les directions, et que sa lutte s'applique à l'encontre des trois sortes d'humilités qui font de nous des êtres faillibles, fragiles et sensibles, càd, accessibles à la Grâce.

Le premier obstacle est l'opacité de l'Icône, qui, quoique d'épaisseur nulle, forme un écran infranchissable au rayonnement du Mental. Là, nous rencontrons la grâce du pardon, et le besoin infini d'être aimé, que seul Dieu peut satisfaire. Le Mental étant "infaillible", il n'a pas besoin du pardon. Et étant autonome, il n'a pas besoin de l'amour de Dieu. Il luttera donc contre ces deux obstructions. Il désirera la destruction de l'Icône : le Mental sera nommé iconoclaste. Comme l'Icône est indestructible, cette lutte produit une tension permanente. Le désir d'indépendance est renvoyé au visage du Mental avec une force équivalente à son désir de détruire l'Icône. Telle réverbération est généralement connue sous l'appellation de narcissisme, forme la plus subtile de l'ego.

Le second obstacle est l'étranglement propre au chemin de moindre résistance. Une rivière suit toujours le chemin de moindre résistance. Elle ne décide pas de son parcours. Sa nature est d'aller droit devant. Elle respecte sa nature en accomplissant son but, qui est de rejoindre l'océan. Mais les circonstances - et les circonstances seules - décident de la forme que prendra ce parcours. Cette subordination aux circonstances est, du point de vue du Mental, une restriction insupportable. Le Mental aimerait pouvoir décider à n'importe quel moment de tourner à gauche ou à droite, non par souçi d'efficience, mais simplement pour prouver au monde, et à ses propre yeux, qu'il en a le droit. La perte d'efficience, l'augmentation des frictions, la fatigue, la confusion, le sentiment d'avoir perdu la boussole sont les contrecoups naturels de telle arrogance.

Le troisième obstacle est l'implosion propre à l'essence matérielle. La matière offre la contrainte ultîme, le fait d'exister ici et maintenant alors que le Mental existe partout et toujours. Posséder un corps matériel constitue donc, du point de vue du Mental, l'outrage ultîme. Il luttera de toutes ses forces pour l'annihiler. Il aura l'impression d'être sale, lourd, inerte, impuissant. Cela produit un intense sentiment de claustrophobie, qui pourra confiner, dans les cas de réactions extrêmes, à la folie meurtrière ou à l'autodestruction.

La lutte du Mental contre les trois formes d'humilité génère en contrecoup la cristallisation de ces humilités qui deviennent autant d'obstructions infranchissables. L'humilité n'est pas une obstruction en soi. L'humilité n'apparaît sous forme d'obstruction qu'aux yeux du Mental, parce que son essence est expansive. Cela non plus ne pose intrinsèquement aucun problème. Le problème c'est que le Mental n'accepte pas que les autres parts de l'âme soient retenues. Il désire les réformer. Or vouloir réformer une obstruction pour s'en libérer augmente - par réaction - son opacité. C'est le désir de liberté qui crée l'emprisonnement.

Au-delà du Mental réformateur, dont l'intelligence s'applique relativement aux obstructions, existe le Mental pur, qui se soutient dans la lumière de sa propre résonance, sans prendre appui sur quelque opposition que ce soit. Si le Mental réformateur n'a de cesse que d'annihiler tout ce qui n'est pas lui, le Mental autorésonant, peut très bien coexister avec le corps-âme et se syntoniser à tous ses pouvoirs, afin de les amplifier et d'augmenter leur brillance. Notre choix se résume à ceci : soit nous accédons à ce quatrième état du Mental, soit notre identification égoïque aux trois formes inférieures du Mental nous emporte vers l'abîme de l'autodestruction. Mais ... avons-nous le choix ?

05 mars 2009

Innocence

Anahata, le nom sanskrit du chakra cardiaque se réfère au silence d'un tambour non frappé. Il y a la peau du tambour, lieu d'amplification, de mémoire et de sensibilité. Et il y a le vide intrinsèque du tambour non-frappé, le silence en tant que son potentiel, ouverture, disponibilité, état de non-encombrement. J'entends souvent parler de la "pureté du coeur", du fait d'avoir "le coeur encombré". Je ne crois pas que le coeur puisse être encombré ou impur. Je crois que le coeur est intrinsèquement pur, càd vide de contenu, car il possède la fonction d'être le contenant de ce qui lui advient. Quant aux évènements qui peuvent lui advenir, et qu'il va amplifier, au sujet desquels il pourra témoigner, ils sont de deux ordres. Il y a les flux inconscients colorés en provenance du vital qui se projettent vers le haut et frappent l'écran cinématographique du coeur où ils sont révélés sous forme d'image. Et il y a les projections mentales vers le bas, le mental utilisant le coeur comme un miroir pour acquérir la conscience narcissique (pardon pour la redondance) de soi. Le coeur est encombré par les contenus que le mental encombré projette sur lui. L'encombrement soi-disant du coeur est en réalité l'encombrement du mental. Et la purification du coeur s'obtient par la purification du mental. Le coeur ne décide pas de son contenu. Il est innocent, naïf, natif, ouvert, écarquillé comme au premier jour, et accepte de recevoir tout ce qu'on lui donne, sans jamais se départir de sa sensibilité.

23 février 2009

Masque(s)

Trois couches, donc. Il y a "moi", dont l'identité est consubstantielle (j'aime vraiment bien ce mot) à l'espace. Il y a "toi", idem. Et puis entre nous, il y a mon masque, ton masque, et l'ébullition fantasmatique provoquée par l'engaufrement (çuilà je viens de l'inventer) de nos deux masques l'un sur l'autre. "Toi" et "moi" nous sommes, dans notre identité, confondus. Mais l'identification amoureuse de nos mémoires avec les images captées au fil de notre histoire vient obstruer la réminiscence de ce fait. Puis, le désir de quand même établir le contact avec toi vient "plaquer" mon masque sur ta face, et réciproquement. Tu le sais, je le sais, et ça nous gêne, alors nous agitons nos mains comme pour chasser un nuage de mouches incongrues (agitation que je nommais plus haut : "ébullition fantasmatique"). Ce désir de te toucher malgré tout m'éloigne de toi. La condition pour que je te connaisse, c'est de revenir en moi, et dans le silence de mon âme, retrouver le contact avec mon essence, située en-deçà de tout ce qui me distingue de toi.

15 février 2009

Unification

Enfin donc, et depuis toujours, la chair palpitante du Réel sans fioritures s'offre à moi sensitivement. C'est si cru, si vif, si totalement incompatible avec la structure branlante du "moi". Celui-ci ne peut survivre qu'en le fuyant/déniant/scotomisant. Mais si je choisis de ne rien "y" penser, alors l'espace de la sensation corporelle s'ouvre, infiniment. Cette semaine, quelques clés me sont tombées toutes chaudes dans mes paumes ouvertes. Voici :
La souffrance, c'est : être séparé de ce que l'on aime et uni à ce que l'on n'aime pas. Bouddha
J'accumule des tensions toute la journée, à chaque fois que ma pensée réagit en supposant que le Réel devrait être différent de ce qu'il est. Ensuite, il faudra rêver tout cela, pour décongestionner l'esprit. Si je ne rêve pas suffisamment longtemps et/ou suffisamment profondément, un certain spasme grossit, qui à terme - au bout de dix ans - pourra être nommé : ego.
Le bonheur est l'état naturel, quasi hormonal, chimique de l'être humain quand celui-ci n'est plus obnubilé par les joies extérieures. Eric Remacle
Par joie extérieure, nous pouvons entendre : être uni à ce que l'on aime et séparé de ce que l'on aime pas. C'est un bonheur conditionnel, un bonus. Mais le véritable bonheur est indépendant des circonstances. C'est un état physiologique naturel. Plus profondément, c'est l'expression de l'essence de l'Etre lorsque celui-ci fait l'expérience de la Présence.
Vous devez comprendre que votre âme se languit de revenir à son union originelle avec Dieu et que, au cours de ce voyage de retour, les idée erronées, les rêves et les sentiments refoulés qui entravent votre capacité à être pleinement conscient refont surface pour trouver une solution et disparaître. Amrit Desai
Si je me languis de toi, c'est parce qu'en Dieu notre âme est confondue. C'est la fascination obsessive pour les détails de mon histoire qui me fait oublier combien nous sommes consubstantiels. Et si conflit il y a entre nous, c'est parce que chaque fragment d'histoire à laquelle ma pensée s'identifie exige une reconnaissance exclusive et immédiate. Revenir à mon essence, c'est retrouver l'union consciente avec toi, qui que tu sois.

13 février 2009

Je ne sais pas

Je ne sais pas de quoi l'à venir est fait. Je ne le sais vraiment pas. Je puis, certes, supposer certaines choses à son sujet. Mais si j'associe à cette supposition de la peur ou de l'espoir, alors cela veut dire que ce mouvement de la pensée est une tentative de dénier le fait que je ne sais pas. Cette ignorance est, en soi, une bénédiction. L'à venir n'existe pas en soi. Il n'existe que comme supposition, construction mentale, projection. Donc accepter mon ignorance quant à l'à venir c'est accepter de ne pas ajouter de projection à ma perception du Réel. C'est accepter que le Réel (Dieu, l'Autre) se montre à moi tel qu'il est.

L'ignorance est la condition d'ouverture du coeur. Car si je sais qui tu es, cela signifie que je suppose de toi certaines choses, la première étant que ton à venir dépend de ton passé. Je ne connais de toi que ton passé. J'ignore tout de toi maintenant et à l'à venir. Et si j'accepte cette ignorance, si j'accepte de ne rien supposer de toi, alors je t'offre l'espace de mon coeur où tu peux te montrer à moi tel(le) que tu es, comme au tout premier jour de notre rencontre.

14 janvier 2009

Cercle vicieux

Lorsque le flux Vital s'intensifie, cela va pousser directement contre toute obstruction à l'existence de ce flux. Paradoxalement donc, l'éveil du Vital se ressent d'abord comme une amplification de la frustration, de la colère, de l'impuissance et de la résignation. C'est le signe de la lutte que le Vital entretient contre ces éléments. Et il ne peut gagner (dissoudre les obstacles) si le Mental ne l'aide pas. En fait ces obstacles sont des contenus mentaux, des pensées acquises au cours de notre processus d'adaptation à la culture anti-Vitale qui est la nôtre, "où il faut tendre la joue droite" etc ... La mainmise du Mental sur le Vital génère ces états morbides du Vital. En réaction, le Vital génère de l'agitation dans le Mental, que l'on peut entendre comme une dénonciation : "eh dis ! tu vas me lâcher ?". C'est comme si j'essayais d'attraper un chat, et qu'il s'agitait. On pourrait croire que la source de cette agitation est le chat. Mais en fait il était parfaitement tranquille, légèrement somnolant. C'est moi, en voulant l'attraper, qui ai généré son agitation.

Cette remarque vaut généralement pour tout processus coercitif visant à "contrôler" une situation potentiellement chaotique. L'intransigeance sioniste ne pourrait-elle être considérée comme la cause du fanatisme islamique, plutôt que sa conséquence (quoi que les sionistes puissent prétendre pour se justifier) ? De même, mon enfant de quatre ans joue dans le salon. Je le vois s'approcher dangereusement du vase de grande-tante Suzette. Quelque chose se resserre en moi, aux environs du plexus solaire. Comme c'est mon enfant, son plexus solaire s'est resserré aussi. Son plasma Vital compressé par ce resserrement réagit comme le chat de tout à l'heure : par de l'agitation. Or son agitation, je la vois. Tandis que mon resserrement interne qui est la cause réelle de cette agitation, je peux très bien ne pas l'avoir vu. Evidemment, l'agitation de mon enfant justifiera à posteriori ma méfiance à priori. Oui oui, vous avez bien vu, c'est un cercle vicieux.

12 janvier 2009

Zoom

Tcheu quelle saison ! Bon, suite à ma plongée dans la Matrice Obscure, et après avoir subi, des mains de Kâli, une manoeuvre chiropraxique directement appliquée à l'âme, deux trois os se sont remis dans l'axe, et l'énergie flue, tonitruante. Amplification sensitive. (1) Possibilité de plonger dans le coeur du Réel, de toucher la matérialité du Monde avec une lenteur/profondeur inhabituelle. (2) Zoom de la grille spatio-temporelle : un kilomètre sépare le pouce et l'index de ma main droite, six ans séparent deux syllabes de n'importe quel mot prononcé. Je me vois totalement lourd/statique et en même temps, amplement spacieux. Paradoxe de l'esprit incarné.

Comment faire tenir un esprit aussi grand dans un corps aussi petit ? Claustrophobie. Désespérance : les débordements de l'âme hors de l'ici-maintenant se nomment désir, espoir, regret, nostalgie, volonté, colère ... C'est une question de tempo. Apprentissage donc, dans ce premier quart de l'hiver, du ralentissement de la fonction mentale au point où la lumière devient obscurité. J'y gagne de la solidité, de la profondeur. Le corps est fiable. La sensation dé-fantasmée est une référence fixe qui ne dépend d'aucune construction mentale. On demande au Bouddha quelle est la preuve de ce qu'il avance. Il touche le sol et répond : "cette terre, saine et solide, est ma preuve".

09 janvier 2009

Enfer & Paradis

Ce que d'aucuns nomment "dépression", j'aurais tendance à appeler ça : "simplification". Simplification syntaxique et grammaticale. Les "il faudrait", "j'aurais dû", "il se pourrait que" disparaissent soudainement - trop compliqué. La structure en sujet/verbe/complément aussi - pas assez de place. Reste l'infinitif, sans sujet, sans complément : "manger", "dormir", et surtout : "être". Enfin ... surtout ... n'allez pas croire que soudain le fait d'"être" soit nimbé d'une aura particulière, avec quelques anges à trompette dansant le charleston. Il s'agit de l'Etre (majuscule, quand même) dans sa nudité, sa simplicité, sa banalité et sa morosité la plus complètes. Sans fioritures. On se demande même (là je me demande, tout à coup) si ça vaut la peine d'en parler. En tout cas pas trop. Deux trois phrases, pour attester. Afin de me souvenir, aussi, pour la prochaine fois.

Cela reviendra probablement, par en-dessous, sans que je ne puisse le contrôler. En-deçà de l'édifice abscons de mes passions fantasmagoriques, en-dessous des fondations branlantes de mes châteaux en Espagne, l'appel de la réalité, franc, vif, nu, le regard diamanté de la Panchamama, absolument cruel, totalement fatal. Lorsqu'il est confronté à ce regard, le psychisme implose, je veux dire, retrouve ses proportions réelles, équivalentes à celles d'un point sans volume et de densité infinie. Juste assez petit pour passer par le chas d'une aiguille. Toi qui passe cette porte, abandonne tout espoir ... L'enfer est ici-bas, juste à l'endroit où ma semelle touche le sol. Refuser la fatalité crée l'enfer. L'accepter, c'est le paradis. Oui oui.

31 décembre 2008

Trente Petits Martyrs

Chaque moment offre la possibilité d'entrer en rupture avec la malédiction qui fait de notre futur le copié-collé de notre passé. A chaque moment, l'ensemble infiniment diffracté des possibles s'ouvre à nous. C'est par inertie, par paresse, ou les deux, que nous choisissons de répéter indéfiniment le même mantra dont nous faisons la substance de notre identité. Et curieusement, le réflexe de fuite en avant grâce auquel nous pensons pouvoir dépasser notre passé nous lie à lui avec une force exactement proportionnelle à celle que nous mettons à le fuir. Car dénier n'est pas résoudre, non-dire n'est pas intégrer.

Paradoxalement, c'est la plongée consciente dans l'univers des souvenirs et des rêves qui permet à notre esprit de dénouer les îlots traumatiques et de libérer les forces du Serpent qui dorment en leurs noeuds secrets. La fuite en avant, la "croissance" comme disent nos chers politiciens, va amplifier ces noeuds, multiplier la rage non-dite qu'ils contiennent, envenimer l'affaire jusqu'au point où l'assassinat compulsif de populations entières semblera la seule solution apparemment satisfaisante. Je lis le journal ce matin. Trente enfants morts. Trente petits martyrs. Pourquoi ? Pour permettre aux décisionnaires de la Knesset de ne pas se poser littéralement la vraie, la seule question profondément nécessaire. Holocauste, en somme, offrande aux dieux pour le rachat des fautes. Et il faudra une ou deux générations de palestiniens supplémentaires, ou dix, ou cent, pour transcender le désir de vendetta que cet acte aura produit dans l'inconscient collectif. Collectif. Notre inconscient est collectif. Tout comme la responsabilité. Nous rêvons un rêve commun. Rien ne nous sépare - ou si peu ...

29 décembre 2008

Aborigènes & Néanderthaliens

Il y a 35 000 ans, la rencontre entre deux espèces humaines, les Néanderthaliens et les Cro-Magnons, provoque la disparition des premiers et la monopolisation des seconds. On imagine une lutte territoriale dans le bon style malthusien. Marylène Patou-Mathis propose une autre explication ...

A force de vivre en pensée avec Néanderthal, elle n’arrive pas l’imaginer comme un guerrier - on n’a pas trouvé un seul site où ils s’entretuent ; pas rencontré de trace de guerre entre Néanderthaliens. (...) Ce sont des nomades pacifiques, fondus dans la nature, suivant les troupeaux, ayant des rapports épisodiques. Je crois qu’ils ont senti la présence des Sapiens. Imaginez leur stress et leur étonnement de découvrir des êtres comme eux, intelligents et féroces, eux qui régnaient sur le monde depuis 300.000 ans, parfaitement adaptés.

Au lieu de défendre leurs territoires de chasse, d’aller à la rencontre d’Homo sapiens, Néanderthal s’éloigne, recule... Certains évolutionnistes y voient la preuve de leur échec génétique en tant qu’espèce. Elle aurait manqué, ou perdu l’agressivité nécessaire pour affronter ce changement radical de son environnement : l’arrivée d’un rival - d’un prédateur. Marylène Patou-Mathis préfère son approche "culturelle". Les Néanderthaliens vivaient en osmose avec la nature et le gibier, ils répugnaient au crime, ils ne s’entretuaient pas, ils ont abandonné lentement le terrain aux Sapiens, cherchent de nouvelles terres. Autrement dit, ils ont refusé le combat !

[lire l'article]

Cela inverse quelque peu notre image à priori : le Néanderthalien, brute au front bas et à la musculature massive, le Cro-Magnon au visage fin, au front élancé, aux membres graciles. Il est probable que, compte tenu de sa force physique et de l'avancée de sa technologie, si le Néanderthalien avait réellement eu l'intention de se défendre, nous n'aurions pas fait long feu. Nous imaginons maintenant cette autre scène : un peuple doux, vivant en harmonie avec la Terre et les Cieux, cultivant leurs rêves comme des jardins précieux, face à une autre espèce au front surdéveloppé et à l'agressivité très proactive ...

La même scène que nous avons vus se produire aux temps contemporains lorsque l'Anglais imbibé d'alcool imposa son ordre du monde aux vastes territoires du Nord de l'Australie. Le cerveau du Néanderthalien est polarisé en arrière, et celui du Cro-Magnon, en avant. La méditation permet une détente de la pensée frontale et un passage de notre attention vers l'arrière de notre cerveau : la sensation remplace la projection, la réminiscence remplace le fantasme, le rêve et les souvenirs traumatisants deviennent plus facilement accessibles. Chez le Cro-Magnon au front hyper-développé, la méditation est une activité nécessaire. Il a fallu que le ciel nous délègue quelques avatars-instructeurs pour nous le rappeler. Peut-être le Néanderthalien vivait-il en état de méditation spontanée, permanente et sans effort ? Peut-être, vivait-il naturellement en état de "dreamtime", comme son cousin aborigène aux pieds calleux ? Avoir perdu notre faculté de nous souvenir au profit d'une inventivité plus performante, est-ce une bénédiction ou une malédiction ? L'avenir nous le dira ...

22 décembre 2008

Muladhâra

Ma dépression annuelle était, cette fois-ci, bien au rendez-vous. Le choc, toujours inattendu, m'avait frappé frontalement à trois reprises. Mon crâne aurait pu absorber chacun des trois chocs séparément, mais survenant à la queue leu-leu dans l'espace de quelques jours, mon buffer satura. Les trois angles, légèrement différents, questionnaient trois aspects de mon identité relative : érotique, parentale et professionnelle. Bing !

La pratique de l'aïkido m'a appris que lorsque l'adversaire est trop fort et/ou trop volontaire, le mieux à faire c'est d'adopter une méthode yin. Je me laissai donc tomber en ce lieu en nous sans espace et sans fragilité, absolument statique, absolument solide, totalement fiable, à savoir : le centre de la matérialité, le noyau Sacral. La méthode est simple : il suffit d'arrêter de lutter. Je pris une position foetale, sous ma couette, et je perdis tout espoir.

La pensée et la volition s'arrêtent. Tout l'être se recroqueville. On peut toujours se raconter des histoires. Mais pour que le procédé soit rapide, profond et efficace, il est nécessaire de : "ne pas se raconter d'histoire". Dans ce lieu de rassemblement, le psychisme fracturé se repose, et l'âme cicatrise. Si on lutte contre l'aspiration vers le bas, on ne fait que reporter l'échéance, et la souffrance s'allonge indéfiniment, tant qu'on n'a pas accepté, de tout son être, notre absolue impuissance. Si on l'accepte, le corps prend spontanément la position foetale et se retire du monde le temps nécessaire à la transmutation.

Cela n'a duré qu'un jour. C'est un progrès. Avant il me fallait une semaine, un mois, un an. Et durant ce laps de temps où l'arrogance m'empêchait de mourir à mes illusions, l'aspiration vers le bas continuait de me hanter comme une possibilité qu'il me fallait fuir. Maintenant je sais. C'est très simple. Se laisser plonger dans le gouffre, sans aucune résistance. Cela demande une certaine forme de courage ... inversé. La plongée est directe, profonde. Et au fond, on retrouve le contact avec le sol que nos illusions avaient maintenu à distance tout le temps que notre volonté s'y était investie. Là, sans volonté, le corps massif se pose sur le sol, lentement, se donne le temps de repos qu'il faut, et spontanément ensuite, renaît, rafraîchi, avec une ou deux illusions en moins. La clé, c'est la confiance.

07 décembre 2008

Electric Peace-Maker

Je lis cet article paru dans Le Monde concernant le traitement électrique de certaines affections mentales. Un électrode inséré dans la zone adéquate du cerveau et reliée à un pacemaker permet, en stimulant la zone ciblée avec un voltage dûment calculé, d'affecter les symptômes de la compulsion obsessionnelle. C'est une forme subtile, non destructive, de lobotomie. Les résultats encourageants permettent d'envisager une généralisation du procédé à d'autres types d'affection. Si la méthode est moins intrusive que la pure ablation, le langage utilisé dans cet article, néanmoins, contrebalance un peu cette faiblesse. Je souligne en particulier les termes : "formes rebelles d'épilepsie" et "la stimulation cérébrale profonde pourrait aussi s'attaquer". Qu'une affection soit rebelle ? Rebelle à quoi ? Ou à qui ? Quel ordre est-il mis en doute par cette rébellion ? Cette façon d'envisager la question n'est-elle pas un petit peu ... excessivement ... dualiste ? Je frémis par ailleurs en songeant à la manière dont les spécialistes chinois dont on parle plus bas ont su glaner leurs renseignements. Et l'ironie qu'exsude l'euphémisme "plus ou moins respectueux des règles éthiques occidentales" arrache à mon visage un sourire ... jaune.
D'autres indications sont d'ores et déjà très sérieusement à l'étude, en France ou à l'étranger. "Il s'agit notamment des tableaux dépressifs sévères ou de formes rebelles d'épilepsie, précise M. Benabid. Cela concerne aussi des crises hautement douloureuses dites de "migraines en grappe", qui affectent de manière récurrente des personnes présentant alors des déformations du visage."

La stimulation cérébrale profonde pourrait aussi s'attaquer, sur la base de résultats expérimentaux obtenus sur des rongeurs et des singes, à des pathologies contemporaines répandues telles que la boulimie et l'anorexie. Les résultats de travaux chinois, plus ou moins respectueux des règles éthiques occidentales, concernant le traitement de formes sévères d'addiction, commencent même à circuler dans les cénacles des spécialistes.

02 décembre 2008

Bhakti

La Bhakti est l'état d'absoption du Coeur dans le visage de l'Aimé(e). Ce visage - l'Icône - appartient au monde Imaginal. La mère est le premier visage que le Coeur de l'enfant absorbe. Si la mère se conçoit elle-même comme une métaphore de La Mère, alors le lien peut s'établir, dans l'âme de l'enfant, entre le monde Physique et le monde Imaginal. Si la mère est en rupture avec La Mère, l'enfant vivra cette rupture comme une nostalgie fondamentale. Il cherchera autour de lui, dans le monde Physique, un visage pouvant correspondre à ce que son Coeur demande. La soif de plénitude amoureuse émanant du Coeur ne se résout que dans la contemplation du visage de l'Aimé(e). Il est impossible d'empêcher le Coeur d'aspirer à cette plénitude.

Cette plénitude équivaut à une absolue dépendance associée à une absolue proximité, signes d'une parfaite identification. Le Mental, par opposition, exprime son pouvoir dans la recherche d'une parfaite dés-identification (indépendance, distanciation,...). La présence simultanée, dans l'âme humaine, du Coeur et du Mental, est source automatique de conflit. L'application de la lumière analytique Mentale sur l'espace du Coeur produit l'éclatement de l'Icône. Les fragments de l'Icône s'éparpillent dans l'espace relationnel. L'aspiration du Coeur s'exprimera, dans cet espace, comme l'espoir de rassembler sur lui les fragments épars. On ira glaner, sur le visage d'autrui, les traits dont la somme recréera la plénitude de l'Icône. Cette recherche est perdue d'avance, vu que les traits dont on tombe amoureux n'appartiennent pas en propre à l'être aimé, mais sont les fragments éparpillés de notre Coeur. Autrement dit : cette recherche est toujours décevante. Nous fantasmons une qualité chez l'autre, nous l'aimons pour cette qualité, jusqu'au jour où l'autre nous déçoit. Et l'autre nous déçoit toujours, car aucun interlocuteur humain ne peut remplir l'aspiration de notre Coeur à la plénitude, qui est infinie. Nous avons le choix. Nous pouvons dénier cette déception et repartir en chasse. Ou nous pouvons absorber cette déception comme un fait. Si nous l'absorbons, le fragment que notre Mental a projeté sur l'autre réintègre l'espace du Coeur. Accepter de faire ce deuil exige de l'humilité, ce qui va à contresens du pouvoir Mental d'éclatement. L'humilité est la condition de la réintégration.

L'Icône est notre propre visage originel. C'est un visage générique. Nous pouvons retrouver ses traits dans tous les visages, en particulier ceux où l'on trouve de la clarté, de la pureté, de l'innocence. Le visage d'un enfant correspond bien à cela. Ou le visage d'une divinité. Le bouddhisme, qui constitue par ailleurs un système de pensée analytique où l'on n'a pas spécialement tendance à prendre des vessies pour des lanternes, propose, dans sa version Grand Véhicule, certains exercices de visualisation. Târa, Avalokiteshvâra, Vairocana, sont les visages d'êtres réalisés auxquels l'aspiration du méditant peut s'appliquer sans contrepensée. Cela commence par la visualisation de ces êtres à une certaine distance de soi, puis, peu à peu, à l'intérieur de soi. La contemplation de l'image divine produit, dans notre esprit, la réminiscence de notre propre visage originel. La Bhakti n'est donc pas une relation fantasmatique entre soi et une divinité superlative supposée distante de soi. C'est le rappel d'une proximité absolue, d'une parfaite identification entre Dieu et nous, dont notre Coeur est le témoin fragile, secret et silencieux.

27 novembre 2008

Tétraédrisation

La triangulation est l'ouverture de l'espace Vital 1D à l'espace Social 2D par ajout d'un point externe. L'espace 1D peut être représenté par deux points, correspondant à deux pôles : Sujet/Objet, ou moi/Autre. Tel espace correspond au concept freudien de stade anal, où prévaut la relation d'objet, et les conflits y attenants. Les deux termes du conflit freudien sont l'enfant et sa mère. Dans le schéma oedipien, l'apparition d'un troisième terme - le père - oblige l'enfant à trianguler son désir : il n'est pas seul à désirer l'Objet maternel, il doit partager cet Objet avec le père. La réussite de cette triangulation est la condition de son accession à l'espace Social. Le triangle est le module élémentaire permettant le pavage illimité de l'espace Social dans les deux dimensions du plan horizontal.

Avant le stade anal/Vital 1D, le stade oral/Sacral 0D correspond à l'état de confusion originelle de l'enfant, où Sujet et Objet ne font qu'un. L'espace Sacral 0D se résume à un point sans volume où toutes les possibilités se condensent sans distinction. Avec l'apparition du désir d'Objet, l'enfant s'arrache à la matrice fusionnelle des origines et fait l'expérience de la verticalisation. L'espace Vital 1D ne concerne donc pas uniquement la relation de l'enfant avec sa mère. Le long de l'axe de sa colonne vertébrale, les deux termes en opposition, générateurs d'un conflit dynamique dans lequel l'enfant s'investira corps et âme, sont les schèmes toniques flexion/extension : le tonus en flexion étant propre au corps embryonnaire 0D, le tonus en extension étant synonyme de liberté et d'exploration.

Le mouvement d'évolution tel que défini ici correspond donc à l'ajout, au fil du temps, de dimensions supplémentaires permettant à l'enfant de s'ouvrir à une conscience de l'espace toujours plus vaste. Le passage du Sacral 0D au Vital 1D s'effectue lors de la verticalisation, et le passage du Vital 1D au Social 2D a lieu dans le processus de triangulation. Le mouvement continue. L'abstraction est le passage du Social 2D au Mental 3D. Nous pourrions parler de tétraédrisation si le terme n'était pas si barbare. De même que l'axe Vital 1D réduit toute relation à un conflit entre deux pôles, le plan Social 2D réduit l'individu à jouer un rôle donné dans le schéma mythologique de sa tribu. Pour accéder à sa véritable identité, l'individu devra dénoncer le mythe Social auquel il est intégré. Il devra dénoncer le rôle que les Autres de la tribu lui ont enjoints de jouer dans le schéma harmonique du groupe. Le passage au plan Mental permet de considérer le schéma mythologique de la tribu d'un point de vue situé à l'extérieur de ce schéma. Dans l'espace Mental, la translation d'un mythe à l'autre devient possible, ainsi que leur comparaison, leur modélisation, leur intégration et leur dissolution dans la vision écarquillée d'une lumière de conscience située autour, en-deçà et au-delà du mythe : la lumière de l'identité.

26 novembre 2008

Triangulation

La triangulation est l'ajout d'un troisième terme médiateur à une relation bipolaire engagée dans un conflit ontologique. La relation bipolaire s'opère le long de l'axe moi/Autre ou Sujet/Objet. Chacun des pôles se considérant lui-même comme Sujet aura tendance à imposer à l'Autre la position d'Objet. Ceci constitue la racine ontologique de tout conflit interpersonnel. Tant que la relation se limite à l'axe Vital 1D, le conflit ne peut se résoudre. Car il est juste pour chacun des deux termes d'affirmer sa position de Sujet. Ce n'est pas comme si on pouvait l'éviter. L'affirmation du Sujet chez l'un produit automatiquement la négation du Sujet chez l'Autre. Les deux termes sont complémentaires et simultanés.

Dans certains cas, le conflit peut trouver une pseudo-résolution dans la création d'une relation sado-masochiste, où le masochiste décide d'adopter délibérément la position d'Objet. Mais en tant qu'il se donne l'illusion de croire que son choix est délibéré - non contraint - il caresse dans le secret de son âme le fantasme de tenir réellement les rênes de la situation (ce qui est parfois vrai - par ailleurs). En fait il est impossible d'adopter délibérément la position d'Objet (les termes délibérément et Objet étant contradictoires). On ne peut - au mieux - que se parer des atours de l'Objet : mais la position du Sujet dans ce cas, se rétracte sous le voile des apparences. Donc en réalité, dans la solution sado-masochiste, le conflit ne se résout pas. Nous avons toujours affaire à deux Sujets tentant de s'affirmer en niant l'Autre, mais le sadique choisit d'adopter la position d'un Sujet apparent, et le masochiste, celle d'un Sujet caché, fourbe, capable, en temps et en lieu, des plus cruelles revanches.

L'ajout d'un troisième terme permet de sortir de l'espace Vital 1D et d'accéder à l'espace Social 2D situé dans le Coeur. Au sein même du conflit m'opposant à l'Autre, je puis à n'importe quel moment opérer la translation intérieure consistant à considérer le conflit à partir d'un troisième point de vue, médiateur et neutre. De ce point de vue, il apparaît tout de suite évident que chacune des deux parties a raison, et que sa position d'affirmation se justifie intrinsèquement. Il apparaît aussi que le problème ne peut se résoudre, puisque aucun des deux Sujets ne peut adopter la position d'Objet sans mourir (à proprement parler). Mais il semble tout aussi évident que le conflit n'est pas si tragique ni si insupportable que ça. Evidemment, si l'on considère le conflit par la lorgnette 1D du Vital, la défaite et la victoire sont absolument contradictoires : la victoire est à chérir absolument, et la défaite, absolument à éviter. Mais considéré du troisième point de vue, avec un peu d'humour, il semble très acceptable que cette tension défaite/victoire ou Objet/Sujet puisse osciller librement d'un pôle à l'autre de la relation, créant entre ces pôles une tension dynamique servant de moteur au système. Chacun adopte pour un temps la position du Sujet ou de l'Objet et oscille de l'un à l'autre au gré des fluctuations naturelles de son âme, sans se cristalliser dans une position fixe. Cet humour, cet espace de liberté permettant une translation tripolaire, sont équivalents à l'espace du pardon situé dans le Coeur, lieu de notre conscience Sociale, mystique et amoureuse.

23 novembre 2008

Moi

"Moi" c'est un potentiel protéiforme, un plasma colloïdal susceptible de se mouler dans n'importe quelle situation selon un mode adaptatif/réactif taillé sur mesure à chaque nanoseconde. "Moi", c'est la somme de toutes mes adaptations/réactions appliquées sur le tissu du monde au fil d'un temps continu se comptant en siècles ou en millénaires. "Moi" c'est l'irisation de la lumière originelle émise par mon épiphyse sur l'infinité des paysages, tissus, étoffes qui se superposent au sein de l'Icône rayonnant dans le noyau de mon coeur. "Moi", c'est un mystère, et aussi, le commentaire circonstancié de l'histoire de ce mystère, et aussi, le regard écarquillé d'un enfant contemplant la beauté sans forme et sans intention située au centre le plus intîme de ce mystère.

21 novembre 2008

Masques

Le masque est constitué d'au moins trois couches. La couche externe, circonstancielle, est comme une pellicule photosensible qui capte les visages du monde environnant (père, mère, frère, soeur) et les mémorise sous forme d'une croûte dure. La dureté de cette croûte dépend de la variété des visages captés. Si le père et la mère, par exemple, pris par une forte compulsion de répétition, oscillent entre un nombre réduit d'états, la croûte sera très dure, car peu variée. Cette couche témoigne donc, non seulement des visages captés, mais aussi du degré de rigidité mentale des personnes rencontrées. La constitution de cette couche dure toute l'enfance. Elle n'existe pas chez le nouveau-né, puis s'épaissit au fil du temps, et atteint sa forme quasi-définitive à la fin de l'adolescence.

La couche interne est un rayonnement sphérique de pure lumière émanant du centre pinéal, qui remplit la concavité du masque comme une terre glaise remplit un moule. Ce rayonnement est semblable à la lumière d'un soleil, éclairant toutes les directions avec une puissance égale. Le visage ouvert d'un nouveau-né en est la représentation. Puis, au fur et à mesure que la croûte externe se développe, les pressions appliquées par l'environnement sur la sphère de conscience vont la déformer, inhiber l'expansion de son rayonnement dans certaines directions culturellement interdites. La sphère de lumière perdra peu à peu sa sphéricité et prendra la forme (inversée) du masque.

Entre la couche opaque externe, lieu de captation des circonstances culturelles et familiales, et la sphère lumineuse interne, lieu d'expression du Soi - de l'identité sans forme - se développe une couche translucide intermédiaire, interface où s'articulent les méthodes, schémas et structures par lesquels l'individu tente d'accorder son Soi aux circonstances. Nous choisirons de nommer cette couche : "ego". L'ego est éclairé du dedans par l'intuition de l'identité sans forme, et formalisé au dehors par les compressions circonstancielles de l'environnement.

La tendance spontanée, non volontaire du Soi est de retrouver sa sphéricité, et la plénitude de son rayonnement. Sa première activité consistera à dénoncer, décoller et dissoudre la croûte externe constituée de visages séchés. Lorsque le masque se décolle, le Soi ne retrouve pas immédiatement sa sphéricité. Il garde pour un temps la forme que le masque lui a donné, car il n'a pu développer son potentiel que dans les directions spécifiques permises par le masque. Sa déformation témoigne de l'existence résiduelle du masque disparu. Les mille pétales du lotus blanc ne sont pas toutes ouvertes, certaines sont à demi-ouvertes, d'autres totalement fermées. Il s'agit donc d'ajouter, à la méthode "négative" de dénonciation du masque (je suis ni ceci, ni cela) une méthode positive d'activation des possibles (je suis cela, et cela aussi, et encore cela, et pourquoi pas cela ?...).

28 octobre 2008

WordCloud

Trouvé un mimi petit outil sur wordle.net : ci-contre, une image générée à partir des mots contenus dans ce blog (cliquez sur l'image pour l'agrandir). Dans ces grappes de mots juxtaposés au hasard, l'oeil ira regrouper du sens : "voir coeur produit Jésus", "sans maître Shiva tout cesse", etc ... Cela me fait songer (pour une raison qui m'échappe) à Liptikl, fils spirituel de Koan dont Brian Eno a dit tant de bien ...

28 septembre 2008

Vérificateur Perpétuel

Le Vérificateur Perpétuel est un personnage sévère aux sourcils froncés, dont la fonction est de vérifier en permanence la validité des contrastes fond/forme. C'est aussi le Ministre de l'Intérieur de l'ego, chargé de définir et d'appliquer les lois de l'immigration, qui promet à l'ego de n'être pas confondu avec l'Autre. Dans Castaneda, Don Juan y fait référence en parlant de la fonction dite de l'inventaire, soulignant qu'elle est très utile, car elle permet de vérifier la cohérence de toute structure, mais qu'il est inutile, voire pénible, d'en faire usage en permanence. Un inventaire de temps en temps devrait suffire. L'ego quant à lui soutient sa propre cohérence en l'effectuant sans discontinuer.

Il y a un double paradoxe. Puisque l'existence du bonheur (de l'accomplissement, de la réalisation, de l'ouverture) est basée sur l'existence de flux dont la densité est infiniment inférieure à celle des machines de contrôle utilisées par le Vérificateur, rien ne permet à ce dernier de savoir si le bonheur existe dans un lieu donné, ni à quel degré d'intensité, etc ... Mais il tente néanmoins d'utiliser ses machines pour mesurer la présence et la fluidité des flux. Or il lui est impossible de mesurer un flux. Il ne peut que lui offrir une résistance, et mesurer la pression du flux contre cette résistance. La tension musculaire est un très bon moyen de créer une telle résistance. Le problème, c'est que cette résistance ralentit le flux : par l'acte même de mesurer, la mesure devient inexacte. Le Vérificateur envoie dès lors un message à l'ego concernant le ralentissement du flux, et l'ego réagit en commandant au Vérificateur une mesure plus profonde - afin d'être sûr - ce qui ralentit le flux derechef, etc, jusqu'au blocage complet du mécanisme. En fait, la volonté de vérifier que le bonheur existe est incompatible avec l'existence du bonheur lui-même.

De cela découle l'autre aspect (inversé) du paradoxe. Lors du processus d'ouverture et de dissolution de l'ego, advient le moment où le Vérificateur est objectivé, càd, détaché du noyau de notre identité. Nous pourrions être étonné du soudain ensoleillement du paysage, de la soudaine transparence du plafond de nuages. Mais il nous est impossible de vérifier ce sentiment, puisque le Vérificateur a stoppé son activité obsessionnelle. Nous somme pris entre le constat d'un bonheur nouveau et l'incertitude quant à son existence réelle. Le Vérificateur, soudain pris d'angoisse quant à son incapacité d'accomplir sa tâche, peut réagir en un spasme réflexe et reserrer quelque sphincter. Notre capacité à ne pas nous reserrer est la condition de notre bonheur (et curieusement, cette idée me fait sourire (pour une raison qui m'échappe)).

10 septembre 2008

Identité Quantique

Swâmi Prajnanpad soulignait qu'il est inutile de vouloir dissoudre l'ego, que la seule chose que l'on puisse faire, c'est élargir son contour. Ce contour détermine deux territoires : une zone interne, que l'on peut nommer "moi", et une zone externe, que l'on peut nommer l'Autre. Le tracé de la limite nécessite l'usage de certains critères. Plus ces critères sont stricts et nombreux, plus le territoire du moi est étroit. Elargir ces critères est la condition d'un épanouissement du moi.

Ce n'est pas une question de volonté. La plupart du temps, les critères qui définissent notre moi sont inconscients, ainsi que notre identification au territoire qu'ils dessinent. Ce n'est que lorsqu'un critère est devenu conscient que l'esprit peut s'en dégager. Lors du travail d'élargissement du moi, nous rencontrons d'abord les identifiants les plus spécifiques : l'image de nous que nous a imposé notre famille, en particulier nos parents. Dans le cadre du moi "familial", nous aurons tendance à défendre les valeurs de la tribu, et à nous opposer aux valeurs des autres tribus. C'est le niveau d'identification le plus étroit, source de nombreux conflits sociaux.

Dégagés de ce premier niveau, nous parvenons au stade d'identification à notre culture. Nous serons les défenseurs d'une civilisation, d'une idéologie particulière, et considérerons les autres cultures et civilisations comme ennemies. Dégagés de ce second niveau, nous atteignons le stade de l'identification à l'espèce. L'humain devient la référence de notre identité, et l'ennemi sera la nature, l'univers, tout ce qui n'est pas humain. Cet égoïsme-là a fait de notre espèce une sorte de parasite sur la Terre, qui ne considère que son propre bien-être, et méprise toutes les formes vivantes et minérales. Dégagés de ce troisième niveau, nous prenons conscience de notre fraternité avec toutes les formes vivantes. Saint Jean de la Croix appelait le Soleil son frère, et les petits oiseaux, ses compagnons. Rien ne limite ce processus. Si nous considérons notre identité quantique, le fait que nous soyons essentiellement constitués de la matrice spatio-temporelle, toute distinction devient impossible. Nous voyons en toute forme, animale, végétale, minérale ou autre, les multiples modes d'expression de l'espace-temps. Dans ce cas, l'ennemi a disparu, car notre regard nous révèle en permanence la lumière interne de toute chose ...

05 septembre 2008

L'Axiome du Sujet

Un modèle est dit axiomatique lorsqu'on pose en son centre un ensemble d'axiomes desquels on fait découler, par démonstration, une collection de corollaires. Par analogie, nous pouvons dire du psychisme qu'il possède une structure axiomatique, le Sujet étant l'axiome, et les différentes caractéristiques de la personnalité étant ses corollaires. Chacun de ces corollaires reflètent en partie la lumière du Sujet, puisqu'on peut s'y identifier (on y trouve de l'identité). Mais seul le Sujet possède en propre la vertu d'être Sujet. Nous retrouvons la même idée dans Le Tabernacle des Lumières de Ghazali, où il est dit que seul Dieu possède en propre la vertu d'Etre, la création n'étant participante à cet Etre que par emprunt de Sa lumière essentielle. Hors Dieu, la création n'est que Néant.

En tant qu'axiome, l'existence du Sujet est absolument non démontrable. Cela peut s'exprimer selon deux définitions. La définition positive est l'affirmation que "ce qui est est". C'est la loi n°zéro de Moïse, la révélation que Dieu "Est Celui qui est". Nous retrouvons cette caractéristique dans les atours du Bouddha Tathagata, littéralement : celui par qui il est démontré que ce qui est est. Le point important - essentiel - à retenir au sujet de cette première définition, c'est que l'accès de l'Objet au Sujet - de l'extérieur à l'intérieur - est impossible, inexistant. Le Sujet en "moi" étant indémontrable, aucun élément de ma personnalité ne peut m'y accorder. Seul le Sujet peut, de son propre chef, se révéler à "moi" en tant que détenteur de lui-même. Cela correspond à la "voie de la révélation directe" propre au Dzogchen. Soit le Sujet se révèle et alors il est révélé, soit le Sujet ne se révèle pas, et alors il est inexistant. Zéro ou un, sans intermédiaire. Nous pouvons faire là l'expérience de la certitude, parce que, hors Sujet, rien ne peut nous rendre certain que le Sujet existe, mais du point de vue du Sujet, le fait de sa propre existence apparaît comme absolument indubitable. Nous retrouvons ici l'idée que tout axiome est, par définition, arbitraire (cette dernière idée pouvant être considérée également comme un axiome).

La seconde définition, négative, permet d'utiliser l'axiome du Sujet à des fins pragmatiques. Il s'agit de l'affirmation que "le Sujet est absolument non-Objet". S'il est possible d'objectiver quelque chose, alors ce n'est pas le Sujet. Il s'agit de l'aspect fonctionnel, opérateur du Sujet. Il n'existe pas seulement dans l'auto-résonance de sa lumière essentielle : il existe en outre en tant qu'affirmation de "n'être pas l'Objet". Il s'agit d'une sorte de "répulsion" radiative, d'un rayonnement sphérique qui maintient tous les objets "en-dehors" de son noyau émetteur. "Répulsion" et "en-dehors" sont mis entre guillemets car ils font référence à des mouvements dans l'espace-temps, ce qui est une façon grossière de décrire l'opération du Sujet. L'expérience réelle ressemble néanmoins à cette analogie. Les Pères de l'Eglise parlent de la prière comme étant une colonne de lumière en laquelle les contenus mentaux (logismoï) semblent flotter en état d'apesanteur. Par cette fonction opérative, le Sujet affirme à la fois son identité et son exclusivité - exclusivité dont nous retrouvons la formulation dans le dire du Christ : "Je Suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne va à Dieu que par moi".

04 septembre 2008

Angoisse d'Etre

L'ego maintient sa permanence en générant une suite ininterrompue de processus subliminaux dont les tenants et les aboutissants se bouclent pour former l'illusion d'un tout. Cela constitue le bruit de fond de l'agitation mentale. La moindre brèche dans cette continuité risquerait de mettre l'ego en doute. Le rôle de l'ego, en tant que détenteur du principe de cohérence, consiste donc à colmater sans cesse les failles qui apparaissent spontanément dans son processus. Ces brèches sont également le lieu d'apparition de la jouissance (du Réel). Une des stratégies fondamentales de l'ego consiste à inverser la valeur de la jouissance en la nommant : "angoisse". Le miracle du retournement s'opère dès le moment où l'on accepte de considérer l'angoisse comme un signe positif, le lieu d'une dissolution ponctuelle de l'ego. Cela n'est possible que si la position du Sujet est transférée de l'ego à l'Etre.

La position du Sujet n'appartient pas en propre à l'ego, mais à l'Etre. Le sentiment d'être un "je" doué de caractéristiques multiples est un reflet de l'Etre dans la structure de l'ego. Il est impossible pour l'ego de mettre la main sur ce reflet. Son agitation est une compensation réflexe à cette impossibilité. Tel un bon petit soldat toujours sur la brèche, il tente de mimer pro-activement la permanence de l'Etre. Le Sujet est une fonction permanente de l'Etre, mais c'est une permanence de fait, non le résultat de quelque processus continuel. La difficulté consiste à accepter que la permanence du Sujet ne dépende d'aucun processus. La prise de conscience de cette réalité est immédiatement génératrice d'angoisse. Lorsque cette angoisse (cette brèche) apparaît, nous avons le choix entre resserrer l'étau et lâcher prise.

La majorité (la totalité ?) des processus subliminaux responsables de la continuité de l'ego se reflètent au plan corporel sous la forme de tensions musculaires. Les récepteurs kinesthésiques situés dans les muscles, les tendons et les articulations renseignent l'ego quant à son pouvoir de crisper un muscle. Il s'agit d'une boucle narcissique courte, d'un "miroir kinesthésique". La statique de l'ego se réverbère dans la statique corporelle à un niveau subliminal. Il est possible de flairer la trace de l'ego dans la statique corporelle, en ressentant l'état de tension des muscles profonds. La détente d'un muscle profond crée une brèche dans la statique de l'ego, que ce dernier perçoit immédiatement sous forme d'angoisse. Le choix nous appartient, en réponse à cette angoisse, de resserrer l'étreinte ou de lâcher prise.