La Bhakti est l'état d'absoption du Coeur dans le visage de l'Aimé(e). Ce visage - l'Icône - appartient au monde Imaginal. La mère est le premier visage que le Coeur de l'enfant absorbe. Si la mère se conçoit elle-même comme une métaphore de La Mère, alors le lien peut s'établir, dans l'âme de l'enfant, entre le monde Physique et le monde Imaginal. Si la mère est en rupture avec La Mère, l'enfant vivra cette rupture comme une nostalgie fondamentale. Il cherchera autour de lui, dans le monde Physique, un visage pouvant correspondre à ce que son Coeur demande. La soif de plénitude amoureuse émanant du Coeur ne se résout que dans la contemplation du visage de l'Aimé(e). Il est impossible d'empêcher le Coeur d'aspirer à cette plénitude.

Cette plénitude équivaut à une absolue dépendance associée à une absolue proximité, signes d'une parfaite identification. Le Mental, par opposition, exprime son pouvoir dans la recherche d'une parfaite dés-identification (indépendance, distanciation,...). La présence simultanée, dans l'âme humaine, du Coeur et du Mental, est source automatique de conflit. L'application de la lumière analytique Mentale sur l'espace du Coeur produit l'éclatement de l'Icône. Les fragments de l'Icône s'éparpillent dans l'espace relationnel. L'aspiration du Coeur s'exprimera, dans cet espace, comme l'espoir de rassembler sur lui les fragments épars. On ira glaner, sur le visage d'autrui, les traits dont la somme recréera la plénitude de l'Icône. Cette recherche est perdue d'avance, vu que les traits dont on tombe amoureux n'appartiennent pas en propre à l'être aimé, mais sont les fragments éparpillés de notre Coeur. Autrement dit : cette recherche est toujours décevante. Nous fantasmons une qualité chez l'autre, nous l'aimons pour cette qualité, jusqu'au jour où l'autre nous déçoit. Et l'autre nous déçoit toujours, car aucun interlocuteur humain ne peut remplir l'aspiration de notre Coeur à la plénitude, qui est infinie. Nous avons le choix. Nous pouvons dénier cette déception et repartir en chasse. Ou nous pouvons absorber cette déception comme un fait. Si nous l'absorbons, le fragment que notre Mental a projeté sur l'autre réintègre l'espace du Coeur. Accepter de faire ce deuil exige de l'humilité, ce qui va à contresens du pouvoir Mental d'éclatement. L'humilité est la condition de la réintégration.
L'Icône est notre propre visage originel. C'est un visage générique. Nous pouvons retrouver ses traits dans tous les visages, en particulier ceux où l'on trouve de la clarté, de la pureté, de l'innocence. Le visage d'un enfant correspond bien à cela. Ou le visage d'une divinité. Le bouddhisme, qui constitue par ailleurs un système de pensée analytique où l'on n'a pas spécialement tendance à prendre des vessies pour des lanternes, propose, dans sa version Grand Véhicule, certains exercices de visualisation. Târa, Avalokiteshvâra, Vairocana, sont les visages d'êtres réalisés auxquels l'aspiration du méditant peut s'appliquer sans contrepensée. Cela commence par la visualisation de ces êtres à une certaine distance de soi, puis, peu à peu, à l'intérieur de soi. La contemplation de l'image divine produit, dans notre esprit, la réminiscence de notre propre visage originel. La Bhakti n'est donc pas une relation fantasmatique entre soi et une divinité superlative supposée distante de soi. C'est le rappel d'une proximité absolue, d'une parfaite identification entre Dieu et nous, dont notre Coeur est le témoin fragile, secret et silencieux.
L'îcone où la beauté cachée des laids, des laids...dixit le beau Serge...tous les Quasimodos du monde(ou qui se sentent tel) te remercie pour cet écrin d'écrit.
RépondreSupprimerLes Quasi-, les Ultras- et les Pseudo-modos, tous ensembles dans une ronde fleurie ... :-)
RépondreSupprimerQuel beau et étroit chemin que celui de l'humilité...Merci pour ce texte tendre comme une jeune pousse qui éblouie, offre sa naissance à la lumière de l'aube
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