21 novembre 2008

Masques

Le masque est constitué d'au moins trois couches. La couche externe, circonstancielle, est comme une pellicule photosensible qui capte les visages du monde environnant (père, mère, frère, soeur) et les mémorise sous forme d'une croûte dure. La dureté de cette croûte dépend de la variété des visages captés. Si le père et la mère, par exemple, pris par une forte compulsion de répétition, oscillent entre un nombre réduit d'états, la croûte sera très dure, car peu variée. Cette couche témoigne donc, non seulement des visages captés, mais aussi du degré de rigidité mentale des personnes rencontrées. La constitution de cette couche dure toute l'enfance. Elle n'existe pas chez le nouveau-né, puis s'épaissit au fil du temps, et atteint sa forme quasi-définitive à la fin de l'adolescence.

La couche interne est un rayonnement sphérique de pure lumière émanant du centre pinéal, qui remplit la concavité du masque comme une terre glaise remplit un moule. Ce rayonnement est semblable à la lumière d'un soleil, éclairant toutes les directions avec une puissance égale. Le visage ouvert d'un nouveau-né en est la représentation. Puis, au fur et à mesure que la croûte externe se développe, les pressions appliquées par l'environnement sur la sphère de conscience vont la déformer, inhiber l'expansion de son rayonnement dans certaines directions culturellement interdites. La sphère de lumière perdra peu à peu sa sphéricité et prendra la forme (inversée) du masque.

Entre la couche opaque externe, lieu de captation des circonstances culturelles et familiales, et la sphère lumineuse interne, lieu d'expression du Soi - de l'identité sans forme - se développe une couche translucide intermédiaire, interface où s'articulent les méthodes, schémas et structures par lesquels l'individu tente d'accorder son Soi aux circonstances. Nous choisirons de nommer cette couche : "ego". L'ego est éclairé du dedans par l'intuition de l'identité sans forme, et formalisé au dehors par les compressions circonstancielles de l'environnement.

La tendance spontanée, non volontaire du Soi est de retrouver sa sphéricité, et la plénitude de son rayonnement. Sa première activité consistera à dénoncer, décoller et dissoudre la croûte externe constituée de visages séchés. Lorsque le masque se décolle, le Soi ne retrouve pas immédiatement sa sphéricité. Il garde pour un temps la forme que le masque lui a donné, car il n'a pu développer son potentiel que dans les directions spécifiques permises par le masque. Sa déformation témoigne de l'existence résiduelle du masque disparu. Les mille pétales du lotus blanc ne sont pas toutes ouvertes, certaines sont à demi-ouvertes, d'autres totalement fermées. Il s'agit donc d'ajouter, à la méthode "négative" de dénonciation du masque (je suis ni ceci, ni cela) une méthode positive d'activation des possibles (je suis cela, et cela aussi, et encore cela, et pourquoi pas cela ?...).

2 commentaires:

  1. Etre un homme ou l'art de tomber les masques... J'imagine une vidéo d'un visage où peu à peu les masques s'enlèvent jusqu'à son visage "christique"... Merci pour cette fine analyse de cet "animal en quête d'humanité".

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  2. Je me rappelle cette autre vidéo où l'on voyait se succéder, de plus en plus vite, dix-mille photographies d'humains, âges, sexes et races confondus. Et à partir d'une certaine vitesse, on ne voyait plus qu'un seul visage, assez beau, d'un humain dans la trentaine, mi-chinois mi-black, passablement androgyne ... le visage de l'Humain. Terrifiant et mémorable ...

    Unité par soustration ou par addition des couleurs ...

    Merci pour ton commentaire.

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