20 mars 2013

Le Roi est-il "vraiment" nu ?

La violence de la position patriarcale basée sur le déni, chez l'Autre, de la position de : Sujet-doué-de-libre-arbitre génère, chez l'Autre, une frustration, une révolte, une colère, une revendication d'être reconnu comme : Sujet-doué-de-libre-arbitre. L'autodétermination et la liberté se confondent avec la position hiérarchique : plus on est haut, plus on a de droits et moins on a de devoirs; plus on est bas, plus on a de devoirs et moins on a de droits. La loi d'équilibre basée sur la correspondance exacte, réciproque et bilatérale entre les droits et les devoirs (bushidô) est rompue au profit de la création et du soutien d'une tension unilatérale entre tyran et esclave. Le tyran est celui qui a tous les droits, et l'esclave est celui qui a tous les devoirs. Une telle rupture de l'équilibre ne peut être soutenue qu'à grand renfort de flics, de caméras de surveillance et de caves dédiées à la torture. Cela demande une énergie inouïe, que la civilisation patriarcale trouve dans le parasitage et l'épuisement systématique des ressources naturelles terrestres depuis bientôt dix millénaires.

Dès lors, deux positions s'offrent à chacun de nous face au système : ou bien je reste cohérent avec la vérité qui s'affirme en moi et je me révolte contre la position injuste du tyran en dénonçant les dysfonctionnements spirituels, cognitifs, émotionnels ou pragmatiques du système (comme Jésus l'a fait) ou bien je choisis de faire l'ablation d'une part non nulle de ma dignité en échange (plus ou moins tacitement) d'une position hiérarchique avantageuse.

C'est ici que ça se corse. Le gain dans la position hiérarchique (le gain dans le droit d'imposer à l'Autre ses devoirs sans tenir compte de ses droits), ce gain ne s'acquiert que si l'on accepte de donner au tyran-déjà-là une part non-nulle de notre propre pouvoir d'autodétermination. Le contrat (plus ou moins explicite) proposé par le tyran se formule comme ceci : "je te donne le pouvoir de sodomiser mes esclaves si tu acceptes de te faire sodomiser par moi". Car le pouvoir patriarcal monochrome est de nature purement quantitatif et linéaire. Il s'agit d'avoir "plus" de pouvoir, "plus" d'argent, "plus" d'esclaves. Et le long d'une jauge quantitative unidimentionnelle, il n'y a de place que pour UN SEUL tyran. Ce n'est donc pas comme si l'on pouvait PARTAGER ce pouvoir (puisque ce pouvoir est justement basé sur l'exclusion de l'Autre en tant que : sujet (doué de libre arbitre) possédant une part non-nulle de ce pouvoir).

Considérons maintenant la forme arborescente utilisée dans la hiérarchie chrétienne pour établir une connection entre l'humain et Dieu. Dans la forme catholique, tout le pouvoir d'autodétermination se concentre en la personne du pape qui, seul face à Dieu décrète, en son âme et conscience, des "bulles" autocratiques, qu'il demande ensuite à ses ouailles de respecter sans discussion puisque-c'est-l'Esprit-Saint-qui-les-lui-a-soufflé. Autocratie, arbitraire, non-vérification, non-discussion sont les symptômes classiques de la tyrannie.

À l'inverse, l'indien de culture chamanique, habitué à l'absorption d'engins psychotropiques multidimentionnels hautement évolués (nommés "drogues" dans notre culture sans imagination ni conscience (ni humour?)) qui le connectent IMMÉDIATEMENT à Dieu, sans fioritures ni obséquiosités, se demande : mais qui est-il celui-là qui prétend que je dois obéir sans discuter à des décrets pondus par son esprit visiblement malade (j'ai dit "visiblement malade", vu la teinte gris-jaune de sa peau - il aurait bien besoin d'un lavement au suc de caoutchouc - comment pourrait-il entendre Dieu avec des intestins à ce point encombrés?). Car moi, Dieu m'a parlé aussi, hier soir; il m'a montré le démon qui se cache dans le ventre de cet homme et m'a dit : ne crois rien de ce qu'il te raconte, surtout quand il te demande de croire en ce qu'il te raconte. Comment pourrais-je lui faire confiance ?

On ne s'étonne pas dès lors que, parmi les décrets de la Très Sainte Eglise Catholique concernant les peuples du nouveau monde, nous trouvions l'interdiction explicite d'user de plantes hallucinogènes, sous prétexte qu'elles sont "de nature diabolique". Monopole de l'ostie ... on nous prend vraiment pour des cons. "Le diable c'est l'Autre, le diable c'est toi, le diable c'est lui". Ambiance et cotillons ... L'indien, beaucoup plus humblement, pourra dira : "le démon est en moi", puis va prendre une purge couleur de sang coagulé et vomir le démon hors de lui à grand renfort de spasmes diaphragmatiques. Il ne va pas dire (et ne va pas se laisser dire) : le démon c'est toi, vu qu'il sait très bien que l'accusation est un des signes de la couardise. Montrer le démon du doigt chez l'Autre est une très bonne façon de pas voir le démon chez soi.

Signalons au passage que les démons dits "tricksters" sont des spécialistes du paradoxe destructif (autrement nommé : double contrainte) et qu'ils expriment leur pouvoir de destruction au méta-niveau de la communication, en faisant croire à un des deux amis : c'est toi le trickster, pas moi ! ou (encore mieux) : ce trickster se miroite entre nous, mais TOI tu es identifié à lui, MOI pas. Le trickster dans ce cas agit sur la rupture du contrat de confiance et de réciprocité entre les deux amis, en fracturant le NOUS au profit d'uns tension TOI/MOI. Rien de nouveau, c'est l'histoire de la poutre et de la paille. Merci Jésus!

Ce mouvement d'accuser l'Autre, de dénoncer chez l'Autre la part obscure que l'on ne voit pas en soi, est l'expression retorse, altérée, clivée, compliquée, du premier mouvement, enfantin, simple et juste, spontané, direct et immédiat, immanent, pourrais-je dire, de montrer l'empereur du doigt en demandant : dis maman, pourquoi il est nu le monsieur ? Puisqu'à chaque fois qu'on a posé simplement, ingénûment la question (que tout le monde se pose et que personne n'ose poser) on a été violemment contraint au silence, on a fini par se dire : ah oui d'accord, je n'avais pas compris, nous vivons dans un monde où LE MENSONGE EST LA VÉRITÉ, mea culpa, mea culpa. Je n'avais pas compris, mais maintenant j'ai compris, et je vais me taire et pratiquer moi aussi le-mensonge-qui-est-la-vérité.

Or Jésus continue de parler comme un enfant. Il sait, il voit, il comprend, il pardonne, mais il ne se taît pas. Et lorsqu'on lui dit : si tu continues de parler, je te tue, il répond : moi je parle. Si toi tu as envie de me tuer, cela t'appartient. Moi, il m'appartient de parler.

On imagine bien dès lors que toute la colère frustrée par le peuple contraint au devoir de discrétion par le tyran puisse se diriger sur une telle cible, si pure, si innocente. En immolant Jésus, on immole l'enfant blessé en nous qui refuse de se taire, on signe dûment un contrat d'obéissance au tyran : j'accepte de taire en moi le geste qui te désigne comme un menteur, j'accepte de tuer en moi l'enfant sacrifié et innocent, si en contrepartie tu me donnes le droit d'immoler celui-là qui n'accepte pas de se taire et qui est plus innocent que moi.

Là où Jésus piège tout le monde (en bon jésuite qu'il est), c'est qu'il PARDONNE. Ou mieux : il demande à Dieu de pardonner ces humains qui font du mal à son fils PARCE QU'ILS NE SAVENT PAS CE QU'ILS FONT. On ne peut pas leur en vouloir. Ils n'ont pas la conscience suffisante pour comprendre qu'ils créent et soutiennent eux-même leur position d'esclave.

Or il sait, car il n'est pas bête, que la transmission de la vendetta intergénérationnelle se produit toujours comme ceci : le papa bourreau (pater familias) fait de son enfant une victime (un objet, un esclave, sur lequel il a droit de vie et de mort), et interdit à son enfant de questionner ce pouvoir qu'il se donne lui-même arbitrairement. Mais tacitement, il lui dit aussi : tu es mon fils, et si tu m'obéis, je te lèguerais les clefs de mon pouvoir, grâce auquel tu pourra être bourreau à ton tour. L'enfant-victime devient adulte-bourreau, y compris (et d'abord) vis-à-vis de son propre enfant-victime intérieur. Et sur base de la loi du non-dit, la distorsion selon laquelle LE MENSONGE EST LA VÉRITÉ est transmis de génération en génération.

Le fils ne pardonne pas au père, et il ne se pardonne pas à lui-même. Puisqu'à aucun moment de cette histoire le père ne reconnais sa faute (son mensonge), le pardon ne peut lui être donné. Jésus dit trois choses (au moins) à ce sujet :

(1) Le Père est Unique, et nous en portons chacun un reflet dans le coeur (démocratisation de l'accès à Dieu). César n'est jamais "plus" qu'un reflet, qu'une métaphore de Dieu. Rendons à César ce qui est à César. Tout tyran qui se prétend "plus" Dieu que toi ou moi n'est qu'une baudruche. Bienheureux les enfants et les simples en esprit.

(2) Le pardon est accessible MAINTENANT quelle que soit la profondeur et l'étendue de la faute ... Les deux conditions d'accès nécessaires et suffisantes sont : (2a) reconnaître sa faute (2b) demander pardon. Le tyran demande "plus" que ça, il demande une réforme de l'intention, et dès lors, usurpe le droit divin et unique de décréter les conditions du pardon. Quelle que soit la faute de l'enfant, la faute parentale qui consiste à lui demander, en "plus" de 2a et 2b, une réforme de sa trajectoire naturelle, est un crime contre l'amour et contre la vérité. L'enfant, dont le sens de la justice n'est pas aussi altéré que celui de ses parents SAIT que faire poser la question de la confiance sur la notion de "preuve" qu'il s'agirait de "donner" ou de "redonner" est un crime contre l'inéluctabilité et l'inconditionnalité du pardon décrétés par Dieu en réponse au sacrifice de son fils sur la croix. En commettant une faute visible dans la matière ou l'action, l'enfant sacrifié paie la faute invisible que ses parents commettent dans le coeur et l'esprit. Cette injustice, ce mensonge invisibles et permanents finissent par briser le coeur et l'esprit de l'enfant, qui pert la confiance dans le pardon, et choisit le mensonge comme mode d'accès à l'Autre et à lui-même, dans une version altérée, inversée de sa nature fondamentale.

(3) La paille et la poutre : l'accusation est le signe d'un déni, qui brise le pacte du NOUS au profit d'une tension TOI/MOI. Optons consciemment pour l'un ou pour l'autre, mais si on refuse d'ignorer le fait qu'on a le choix (si on continue de croire benoîtement qu'on est des esclaves), alors la faute ne sera pas pardonnée, et un autre agneau devra être sacrifié. Brisons maintenant le pacte du mensonge, et déclarons dûment l'existence de La Vérité. Montrons simplement, comme un enfant, le roi du doigt et osons poser les questions qui répondent à notre soif naturelle de justesse et de vérité.

Tels sont les termes du New Deal que Jésus propose aux humains. Puisse sa parole être entendue par toi dès maintenant, mon ami ;-)

 

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