Nostalgie d'un temps perdu, où les gens marchaient avec le coeur en tête ... Cet instant que nous partageons tous, déchiré sans cesse par les allées et venues des fonctionnaires de la République, et qui persiste en silence, imperturbable. Je regarde par la fenêtre de l'Administration Communale de St Josse, et je vois le flux permanent des petits caissons métalliques à roulettes, le long de la Petite Ceinture, chaque voiture allant dans un sens contrebalancée par une voiture de masse équivalente allant dans l'autre sens à la même vitesse. La somme vectorielle de ce double flux étant égale à zéro, pourquoi dépenser tant d'énergie ? Avec une petite mise au point initiale, ne pourrait-on s'arranger pour que chacun reste en place ? Mais la seule question qui se pose est : "comment (relier A et B vite vite) ? ", jamais : "pourquoi ?". Alors je pense à cette scène délicieuse dans Traffic de Tati, où deux personnages en panne d'essence se croisent, marchant de part et d'autre de la route avec un bidon vide cognant sur la jambe.

Mon coeur, consubstantiel au Corps d'Amour du Monde, est blessé par tant d'inconvenance. Ce matin, dans le métro, je voyais tous ces êtres clos, centrés sur leur corps souffrant, tristes, se rendre au lieu de leur travail pour accomplir des tâches probablement répétitives, qui les sépareraient toujours plus de leur Conscience d'être. Pourquoi tant d'agitation, de tristesse, de nostalgie d'un temps qu'ils n'ont jamais connu mais dont leur âme, en silence, aspire à reconnaître les moindres reflets dans le regard d'un ami, d'un amant, d'un guru de passage ? Cent visages que je n'ai jamais vu, et que je ne reverrai probablement jamais. Nous sommes saturés de rencontres insignifiantes, nous croisons mille fois par jour le visage d'un inconnu. Quand nous arrêtons-nous pour nous étonner de lui, du miracle qu'il représente ? Quand lui proposons-nous de s'asseoir, juste cinq minutes avec nous, à une terrasse de café, pour partager un moment, nous raconter son histoire, ses envies, sa nostalgie, sa passion qu'il n'aura jamais le temps d'accomplir, ou simplement, pour écouter sans penser le flux du vent dans les feuilles de l'arbre ?
Pas plus tard qu'il y a une demi-heure, dans mon caisson métallique à 4 roues, je me suis esbaudie : "Quelle cirque !"
RépondreSupprimerIl suffit pourtant de s'arrêter (stop!) et de sentir son corps vibrer et oh ! le petit espace, là au creux du coeur s'ouvre et soudain, tout chante, tout danse. :-)
Et puis parfois,... Le mental déraille et c'est l'embardée !
Bisou