23 novembre 2007

Lacan et la Totalité Confuse

Ses phrases comme des pelotes racrapotées. Chaque mot est entouré de petites ventouses qui agrippent les autres mots et, la phrase allant de l'avant, elle se resserre toujours plus petitement. Il y a, au centre du mouvement giratoire des astres de sa pensée, un trou noir secret qui serait, à la fois, la racine du sens des mots et l'aboutissement de leur agonie. Les mots, aspirés par le centre de rotation, tombent dans la Totalité Confuse qui précède (et succède à) toute forme. Contre cela, le fils de vinaigrier, refusant l'absolue pesanteur de sa condition sociale, agite pieds et poings dans une lutte qui représente (1) la révolte de l'esprit contre l'absurdité de notre condition matérielle et (2) la réponse du désir à la fatalité de notre destin d'espèce agonisante. Mais en même temps, de son propre point de vue, cette lutte ne peut aboutir, car (1) la condition humaine, c'est de ne pas exister hors de la matière, et (2) la condition du désir, c'est de rester à jamais inaccompli. Entre ces deux inévitables, une tension, comme un paradoxe continu, l'empêche absolument de se détendre. Il ne lui reste plus, pour exprimer la Totalité Confuse mourante à la racine de son âme, qu'à choisir entre le silence résigné et le balbutiement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire